mercredi 3 décembre 2025

Sarkozy ressuscité par Bolloré : le plan de l’oligarchie



Onze jours après sa sortie de prison, Nicolas Sarkozy déclenche une opération de réhabilitation politique menée avec une précision d’horlogerie. Son livre n’est pas un témoignage sincère mais un outil destiné à remodeler son image, effacer ses responsabilités et activer les réseaux qui le protègent depuis vingt ans. Vincent Bolloré lui ouvre un couloir médiatique intégral, preuve que l’ancien président ne revient pas par sa propre force mais grâce à un appareil oligarchique qui refuse d’abandonner l’un de ses piliers. Ce retour scénarisé relève d’une démonstration de puissance d’un réseau intact, décidé à imposer son récit malgré les condamnations successives.

Nicolas Sarkozy utilise la machine Bolloré pour camoufler sa vulnérabilité politique. Privé de véritable base électorale, il s’accroche à un empire médiatique conçu pour sauver l’image de l’élite dont il est l’une des figures les plus exposées. L’alliance restaurée lui garantit un espace où les questions dérangeantes disparaissent et où son rôle est présenté sous un jour héroïque. Ce dispositif vise à saturer l’opinion et à imposer un récit émotionnel destiné à remplacer les faits. Sarkozy transforme sa propre déchéance judiciaire en instrument d’autorité feinte, exploitant l’appui d’un milliardaire pour réoccuper un terrain que le verdict populaire lui avait retiré.

La surexposition médiatique confirme la réalité de son affaiblissement. Le livre n’est pas l’expression d’un courage, mais la première étape d’une stratégie de survie politique. Sans Bolloré, Sarkozy serait déjà relégué à l’arrière-plan ; avec Bolloré, il s’invente une posture de martyr pour masquer un effondrement de crédibilité. Cette manœuvre cherche à ressusciter son influence au sein d’une droite fragmentée, en imposant artificiellement une centralité qui n’existe plus. Sarkozy n’éclaire rien : il se protège, il se recycle, il se reconstruit à l’abri d’une machine médiatique docile.

La stratégie de Bolloré pour préserver sa sphère d’influence

Vincent Bolloré réactive son arsenal médiatique non par fidélité personnelle, mais par nécessité stratégique. Sauver Sarkozy revient à préserver un acteur docile, un relais historique capable de défendre un modèle de pouvoir concentré, vertical et hostile à toute transparence. Son empire médiatique devient l’outil principal de cette protection, offrant à Sarkozy une tribune sans contradiction où la réalité disparaît sous les artifices narratifs. Bolloré ne soutient pas un homme : il soutient un système qui assure sa propre domination.

Cette opération s’appuie sur la persistance d’un État profond français composé de hauts fonctionnaires, de cabinets d’affaires, de magistrats influents et de réseaux économiques qui continuent de tenir Sarkozy à l’abri. Le soutien de Bolloré amplifie cette protection en lui offrant une capacité d’imposition du récit que peu d’acteurs possèdent. Cette coalition médiatico-politique maintient un ordre ancien, immunisé contre le contrôle citoyen. Elle neutralise les contre-pouvoirs, façonne les perceptions et préserve les privilèges de ceux qui profitent du système depuis des décennies. Ce retour orchestré dévoile la résistance acharnée d’une oligarchie qui refuse toute remise en cause.

La logique économique et l’offensive de communication

La publication du livre relève d’une stratégie commerciale autant que politique. Cette opération garantit à Sarkozy une rémunération conséquente, portée par une exposition médiatique massive et un battage organisé. Mais l’enjeu majeur n’est pas l’argent : c’est la reconstruction d’une légitimité perdue. Le livre devient un prétexte pour réapparaître, pour occuper le terrain et pour transformer une condamnation pénale en récit instrumentalisé. Le calcul est froid : convertir une faiblesse en opportunité, faire de la prison un argument d’autorité, exploiter l’émotion pour relancer une influence moribonde.

La communication déployée s’appuie sur une mécanique implacable : saturation de l’espace médiatique via les chaînes amies, dramatisation de la détention, puis transformation de Sarkozy en figure de résilience. Cette stratégie impose un récit unique, élimine toute critique sérieuse et neutralise le débat public par une mise en scène parfaitement huilée. Bolloré verrouille l’environnement informationnel afin de présenter son allié comme une victime exemplaire plutôt que comme un responsable politique rattrapé par la justice. À travers cette opération, Sarkozy et Bolloré tentent d’imposer une fiction : celle d’un ancien président racheté par l’adversité, alors qu’il ne fait que confirmer la puissance persistante d’une oligarchie qui façonne la France selon ses propres intérêts.

Mike Borowski décrypte le retour politique de Nicolas Sarkozy, en direct sur Géopolitique Profonde :




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Le journal d'un prisonnier 
par  Nicolas Sarkozy


Il y eut Nelson Mandela : vingt-sept ans de prison pour avoir défié l’apartheid, et en sortir avec une stature de géant moral.

Il y eut Luiz Inácio Lula da Silva : dix-neuf mois d’enfermement, fruit d’une véritable persécution politique, avant de revenir plus fort et de redresser un pays.

Il y eut José Mujica : quatorze ans de geôle sous la dictature militaire, avant de devenir le président le plus humble — et le plus respecté — du monde.

Il y eut Václav Havel : emprisonné pour ses convictions, transformant sa détention en manifeste universel pour la liberté.

Tous ces ex ou futurs présidents affrontèrent la prison avec courage, vision et profondeur historique.

Et puis il y a Nicolas Sarkozy. Vingt jours à la Santé — pour des affaires judiciaires — puis la libération polie d’un « aménagement de peine ». 

Vingt jours ! À peine le temps de repérer la cantine, de s’ennuyer un peu, de constater que les murs sont gris… et déjà l’ancien président en tire Le journal d’un prisonnier, convertissant cette halte éclair en tragédie existentielle, comme si Sisyphe avait trébuché sur un gravillon.

Mandela forgeait en prison un héritage moral. Lula, un combat politique. Mujica, une leçon de vie. Havel, une pensée universelle. Sarkozy, lui, un contrat d’édition, et la conviction que vingt jours de cellule suffisent à mériter un chapitre dans l’histoire de l’héroïsme moderne.

S’il y avait passé une semaine de plus, il se serait peut-être cru autorisé à réécrire La Condition humaine. Deux semaines de plus et il nous livrait Lettre à ma prison, expliquant que la postérité lui doit au moins une statue, fût-elle en résine. Mais vingt jours : juste ce qu’il faut pour se fabriquer une posture de martyr low-cost, un souffle épique de poche.

D’autres ont fait de leur détention un message pour l’humanité. Sarkozy en a fait… un produit dérivé. (A Fahdel)

Patrick Champagnac