lundi 20 octobre 2025

Encore un lundi à l’envers...





Dans le regard vide des passants se reflète l'époque : pressée, mécanique, sans souffle. On dirait que plus personne ne sait pourquoi il se lève, sinon pour survivre à la routine. Les âmes se consument dans des vies automatisées, cherchant dans la consommation ce que la prière offrait autrefois : un sens, une paix, un centre.

On vit une époque où une pizza arrive plus vite qu'une ambulance, où les vêtements ont remplacé les valeurs, et les marques jouent le rôle des idoles. Le luxe est devenu le nouvel honneur, la nudité la nouvelle liberté, et la foi.. un sujet de gêne, comme une langue oubliée qu'on ne parle plus qu'en secret.

On dit que tout va plus vite, mais finalement rien ne va plus loin. L'argent commande la considération, même quand il est sale; la trahison se nomme intelligence, le mensonge stratégie.

Et ceux qui parlent encore de loyauté, d'honneur ou de pudeur sont regardés comme des reliques, des âmes poussiéreuses d'un autre temps.

Dans ce monde, consoler est naïf, blesser est courageux. Aimer simplement est suspect, et pardonner passe pour de la faiblesse. Les hommes ne cherchent plus à être bons, ils cherchent à paraître forts. Et les femmes, autrefois gardiennes de pudeur et de sens, sont poussées à se dépouiller pour exister dans le regard des autres.

C'est un lundi sans fin, le lundi d'un monde malade de lui-même. Un monde où les principes sont ridiculisés, où la sagesse se tait pour ne pas être moquée, où la décence est perçue comme une provocation.

Mais quelque part, dans cette grisaille, il reste quelques êtres silencieux. Ils ne courent pas, ils ne crient pas, ils résistent par la droiture, par la fidélité à ce qu'ils sont. Ce sont ceux qui gardent encore le sens de la parole donnée, la pudeur du geste, la noblesse du cœur.

Ceux qui savent que même dans le vacarme du siècle, l'honneur se défend par le silence et la constance.

Et tandis que la ville s'agite, eux prient encore non pour que le monde change, mais pour ne pas lui ressembler.

Bonne semaine à vous et que la paix du Très Haut vous accompagne.

SamSoul.



dimanche 19 octobre 2025

Les Supérieurs inconnus


 
Extrait de l'interview de 1978 (durée 2 heures)


"Les Supérieurs inconnus, les maîtres qui ont inspiré des mouvements tels que la théosophie ou le Golden Dawn, seraient immortels. Ils auraient également le pouvoir d’immobiliser leur corps dans une transe où il ne s’use pratiquement pas, pendant qu’ils font du travail mental, qu’ils réfléchissent ou même qu’ils voyagent par clairvoyance dans d’autres régions de l’espace." (Jacques Bergier)


"Il faut prendre garde à l’idée des « Supérieurs Inconnus ». On la trouve dans toutes les mystiques noires d’Orient et d’Occident. Habitant sous la terre ou venus d’autres planètes, géants pareils à ceux qui dormiraient sous une carapace d’or dans des cryptes tibétaines, ou bien présences informes et terrifiantes telles que les décrivait Lovecraft, ces « Supérieurs Inconnus » évoqués dans les rites païens et lucifériens existent-ils ? Lorsque Machen parle du monde du Mal, « plein de cavernes et d’habitants crépusculaires », c’est à l’autre monde, celui où l’homme prend contact avec les « Supérieurs Inconnus », qu’il se réfère, en disciple de la Golden Dawn. [...]

(...) Samuel Mathers avait fondé la Golden Dawn. Mathers prétendait être en rapport avec ces « Supérieurs Inconnus » et avoir établi les contacts en compagnie de sa femme, la sœur du philosophe Henri Bergson. Voici un passage du manifeste aux « Membres du second ordre » qu’il écrivit en 1896 :

« Au sujet de ces Chefs Secrets, auxquels je me réfère et dont j’ai reçu la sagesse du Second Ordre que je vous ai communiquée, je ne peux rien vous dire. Je ne sais même pas leurs noms terrestres et je ne les ai vus que très rarement dans leur corps physique… Ils me rencontrèrent physiquement aux temps et lieux fixés à l’avance. Pour mon compte, je crois que ce sont des êtres humains vivant sur cette terre, mais qui possèdent des pouvoirs terribles et surhumains… Mes rapports physiques avec eux m’ont montré combien il est difficile à un mortel, si avancé soit-il, de supporter leur présence. Je ne veux pas dire que dans ces rares cas de rencontre avec eux l’effet produit sur moi était celui de la dépression physique intense qui suit la perte du magnétisme. Au contraire, je me sentais en contact avec une force si terrible que je ne puis que la comparer à l’effet ressenti par quelqu’un qui a été près d’un éclair pendant un violent orage, accompagné d’une grande difficulté de respiration… La prostration nerveuse dont j’ai parlé s’accompagnait de sueurs froides et de pertes de sang par le nez, la bouche et parfois les oreilles. » [...]


Dans son étude "Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion", publiée en 1921, le philosophe René Guénon se montre prophète. Il voit monter les périls derrière la théosophie et les groupes initiatiques néopaïens plus ou moins en rapport avec la secte de Mme Blavatsky. Il écrit :

« Les faux messies que nous avons vus jusqu’ici n’ont fait que des prodiges d’une qualité fort inférieure, et les voix qui les ont suivis n’étaient probablement pas bien difficiles à séduire. Mais qui sait ce que nous réserve l’avenir ? Si l’on réfléchit que ces faux messies n’ont jamais été que les instruments plus ou moins inconscients entre les mains de ceux qui les ont suscités, et si l’on se reporte en particulier à la série de tentatives faites successivement par les théosophistes, on est amené à penser que ce ne sont là que des essais, des expériences en quelque sorte, qui se renouvèleront sous des formes diverses jusqu’à ce que la réussite soit obtenue, et qui, en attendant, ont toujours pour résultat de jeter un certain trouble dans les esprits. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que les théosophistes, non plus que les occultistes et les spirites, soient de force à réussir pleinement par eux-mêmes une telle entreprise. Mais n’y aurait-il pas, derrière tous ces mouvements, quelque chose d’autrement redoutable, que leurs chefs ne connaissent peut-être pas, et dont ils ne sont pourtant à leur tour que les simples instruments ? »

C’est aussi l’époque où un extraordinaire personnage, Rudolph Steiner, développe en Suisse une société de recherches qui repose sur l’idée que l’univers tout entier est contenu dans l’esprit humain et que cet esprit est capable d’une activité sans commune mesure avec ce que nous en dit la psychologie officielle. De fait, certaines découvertes steinériennes, en biologie (les engrais qui ne détruisent pas le sol), en médecine (utilisation des métaux modifiant le métabolisme) et surtout en pédagogie (de nombreuses écoles steinériennes fonctionnent aujourd’hui en Europe) ont notablement enrichi l’humanité. Rudolph Steiner pensait qu’il y a une forme noire et une forme blanche de la recherche « magique ». Il estimait que le théosophisme et les diverses sociétés néo-païennes venaient du grand monde souterrain du Mal et annonçaient un âge démoniaque. Il se hâtait d’établir, au sein de son propre enseignement, une doctrine morale engageant les « initiés » à n’user que de forces bénéfiques. Il voulait créer une société de bienveillants." (Bergier et Pauwels)


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Dans Vol 714 pour Sidney Hergé introduit le personnage de Mik Ezdanitoff. Sous une apparence anodine (il porte un banal complet deux-pièces gris avec un tricot col V mauve et une cravate club) ce personnage est pourtant un « initié », « expert en extraterrestres ». Tintin connaît de réputation ce personnage, chroniqueur dans la revue Comète, mais aussi télépathe et agent de liaison avec les extraterrestres.



En réalité, il s’agit d’un scientifique qui a réellement existé : Jacques Bergier. Sur la carte de visite de ce dernier on pouvait lire : « Amateur d’insolite et Scribe des Miracles ». N’oublions pas que Hergé, a toujours été intéressé par les sujets étranges (comme en témoigne son amitié avec Bernard Heuvelmans spécialiste en cryptozoologie)

Si Hergé a choisi d’évoquer la silhouette, le visage, les grosses lunettes et l’accent typiquement slave de Jacques Bergier, c’est parce qu’il a eu l’occasion de le rencontrer personnellement lors du tournage du film les Oranges Bleues en 1964. Ce dernier était le conseiller scientifique de la production.




samedi 18 octobre 2025

Les États-Unis tremblent devant le basculement qui s'opère actuellement





Martens Elisabeth

Chères et chers,

Je suis heureuse de vous présenter mon nouveau livre qui vient de sortir aux éditions Delga :

« Des Ouïghours sur la Route de la Soie »

Quand on parle de la "question des Ouïghours", c'est immédiatement la dictature chinoise qui s'impose à notre pensée. Or si nous prenons cette question par l'autre bout, il apparaît que les pays occidentaux, rattrapés par le grand géant chinois sur les plans économique, technologique, écologique, etc., ont tout intérêt à générer et entretenir ce nouvel abcès de fixation sur les flancs du dragon ascendant.

Au tournant du siècle, à peine une poignée de journalistes a fait état des vagues de terrorisme islamiste et de séparatisme ouïghour qui se sont abattues sur la Chine ; elles ont pourtant fait des milliers de victimes. Les mesures sévères prises par Pékin pour protéger les populations du Xinjiang (région autonome habitée de 45% de Ouïghours) et pour tenter de « dé-radicaliser » les individus fanatisés se sont retournées comme des doigts de gant dans notre presse mainstream où il n'était plus question que de "persécutions et répression des Ouïghours, éradication d'un peuple, enfermement et détention arbitraire dans des camps de concentration, esclavagisme dans les champs de coton,..."

Peut-on se fier aux médias dominants qui pratiquent le "copier-coller" au quotidien?

Peut-on se fier aux ONG qui pour la plupart sont financées par le NED (New Endowment for Democracy, rejeton de la CIA) ?

N'est-ce pas une vaste orchestration menée par Washington qui se sait menacée et met en ouvre tous les moyens y compris le mensonge et le recours aux groupuscules d'extrême droite pour conserver son hégémonie sur le monde ?

Les États-Unis tremblent devant le basculement qui s'opère actuellement sous leurs yeux et dont le centre de gravité se trouve en Asie centrale, exactement là où vivent les Ouïghours, exactement là où passent les nouvelles Routes de la Soie. Cela explique l'acharnement avec lequel Washington dresse les peuples de l'Eurasie les uns contre les autres, sa volonté de renforcer l'OTAN et l'armement européen, la somme colossale que le Congrès américain prévoit pour diffuser des fausses informations sur la Chine afin de la déstabiliser : 500 millions de dollars en 2024, 1,6 milliard de dollars en 2025, combien en 2026 ?

Mais il est trop tard pour le « monstre capitaliste », tel que Jean Ziegler l'a nommé. L'Initiative des nouvelles Routes de la soie (Belt and Road Initiative, ou BRI) lancée par Xi Jinping en 2013 et les liens créés entre les pays membres des BRICS+ et du RCEP rassemblent maintenant 60% de la population mondiale, 30% du PIB mondial et plus d'un tiers du commerce international réparti en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe. Surtout, et c'est là l'essentiel, ces alliances sont en passe de faire basculer l'économie mondiale vers un nouveau modèle qui laissera derrière nous les infamies du néo-libéralisme. Nous osons espérer que l'Union européenne aura l'intelligence de saisir cette opportunité unique, de s'allier avec les pays émergents et d'emprunter les voies eurasiatiques ouvertes par la Chine pour que renaisse une civilisation digne de ce nom.

À commander aux éditions Delga: https://editionsdelga.fr/produit/des-ouighours-sur-la-route-de-la-soie/
ou à Tibetdoc: tibetdoc.org@gmail.com
ISBN : 978-2-37607-282-9
Prix : 20Euros

Elisabeth Martens, 

licenciée en biologie (ULB,1984), master en médecine traditionnelle chinoise (Université de Nanjing, 1991) ;

pratique et enseigne la médecine traditionnelle chinoise et les arts de santé taoïstes ; chargée de cours sur la culture, l'histoire, la pensée chinoises pour des hautes écoles, universités des aînés et diverses associations ; administratrice de www.tiandi.be, www.tibetdoc.org, www.chine-ecologie.org

auteure de :
« Histoire du bouddhisme tibétain, la compassion des puissants », éd. L'Harmattan, 2007
« Tibet au-delà de l'illusion», avec Jean-Paul Desimpelaere, éd. Aden, 2009
« Qui sont les Chinois ? Pensées et paroles de Chine», éd. Max Milo, 2013
« La méditation de Pleine conscience, l'envers du décor», éd. Investig'Action, 2020
« Tibet en transition», éd. La Route de la Soie, 2024
« Miroir de Chine, 20 récits de métamorphose », éd. La Route de la Soie, 2025




vendredi 17 octobre 2025

Roosevelt et la mythologie occidentale



L’occident est un fou dangereux, toujours en guerre contre lui-même et le monde, mais depuis combien de temps ? Beaucoup accusent la Renaissance et la Réforme. En fait il faudrait remonter au papisme et à ses croisades comme le montre Laurent Guyénot. L’occident c’est moins le petit bout de l’Asie que le coin du missionnaire bien armé qui aujourd’hui applaudit les exploits de son rejeton-héritier sioniste à Gaza ou Téhéran. Et qu’on se mette bien dans la tête qu’il a toujours été judéo-chrétien et pas chrétien (l’Evangile commence par la célébration de l’origine hébraïque-divine du prophète…) et que le comportement grec n’a jamais été de tout repos non plus (je pense que la vie sous les perses civilisés était plus agréable pour tout le monde) : voir le livre de mon ami d’enfance Richer sur ces guerres grecques au IVème siècle qui suivent celles du Péloponnèse et anéantirent la population masculine spartiate (Nicolas parle l’oliganthropie). Voir mes textes sur Démosthène, ceux de Fustel sur Théognis, etc…

Le changement du seizième siècle est quantitatif, pas qualitatif, et les regrettés hégéliens-marxistes pensaient (après mon maître Balthazar Gracian) que l’accroissement quantitatif produit toujours une modification qualitative. Ce qui a changé avec la Renaissance et la Réforme c’est le miracle Gutenberg qui a industrialisé propagande et mensonge. La bêtise latente s’est révélée avec l’alphabétisation, dira Maupassant, avant que Gunther Anders se charge du consommateur télé. On pensait que l’esprit critique lui viendrait un jour à ce consommateur télé ; jamais. 85% des Espagnols veulent plus d’Otan et plus de dépenses militaires. Sanchez part et on installe un gouvernement néo-con à la place.

Sous le déluge audiovisuel cette capacité hypnotique dénoncée par Guénon est devenue totale, permanente et ubiquitaire. Les téléspectateurs veulent de la guerre à mort contre tout le monde (Chine, Russie, Iran, Trump, etc.), du migrant à foison, mourir pour le climat (pas d’air, pas de transport, pas de nourriture…) et se faire vacciner 80 fois par heure. Il suffit de le leur demander à la télé.

C’est important tout cela pour le comprendre le culte de notre bonhomme. Car Roosevelt est certainement l’homme politique le plus important du vingtième siècle, au moins pour nous occidentaux (mais depuis que notre civilisation est devenue mondiale…). Il est aussi le plus toxique et le plus nuisible avec évidemment Churchill.

Ron Unz a écrit un texte sur cet inépuisable sujet. Sur son site j’ai laissé ce bref commentaire :

« Article trop long et surtout incomplet : pourquoi ne rien dire des tireurs de ficelles de Roosevelt et de la croisade à venir contre l’Allemagne qui allait terminer en destruction et communisation de notre Europe ? Olivier Revilo a bien parlé de la croisade pour les soviets. Roosevelt a non seulement trahi sa classe sociale comme radical chic (et encore : seulement sa classe riche Wasp) mais aussi et surtout sa race. Il le dit au général de Gaulle (voir les Mémoires) : la race blanche n’est plus la bienvenue en Asie. En réalité grâce à lui et à la révolte des élites (cf. Lasch) elle n’allait être plus bienvenue nulle part. Il est avec Churchill l’homme le plus nuisible du vingtième siècle. Et c’est évidemment une idole. L’occident a dit justement l’orientaliste René Guénon vit dans un perpétuel état hypnotique depuis la Renaissance, facilité par les médias et même la typographie. »

Ron Unz cite l’historien Brands et rappelle que Roosevelt était possesseur d’une immense fortune qu’il gaspillait comme Citizen Kane; qu’il vivait comme un nabab (trois propriétés, plein de domestiques, etc.) ; qu’il avait constitué son noyau d’amis autour du yachting (découvrez Wedding Crashers pour comprendre) ; qu’il était inculte et n’avait pas fait d’études ; que sa femme profita de la place pour se remplir les poches avec de la publicité à la radio et dans les journaux. Son culte de la personnalité fut total de son vivant, l’autoritarisme de son administration aussi, et John Flynn parla de fascisme (parole fourre-tout…).

Mais soyons plus sérieux.

Roosevelt a SURTOUT anéanti l’Allemagne avec Churchill en favorisant outrageusement l’invasion rouge de l’Europe. La punition du Japon a été abominable et on a mis psychiquement fin à ce pays avec l’occupation. On savait pour Pearl Harbor : on avait décodé les codes japonais et il ne se passait rien ? Avec le Deep State on fonctionne toujours pareil : on contrôle l’ennemi, fasciste, musulman, dealer ou nationaliste, et on le manipule avant de l’écraser. Comme on imprime l’argent, on a les moyens (relisez Marx sur la dette).

On s’est bien amusé ! On verra avec l’Iran car seule la notion d’opposition sous contrôle (voyez Makow, Miles, Hua Bin, et pas mal d’autres) peut expliquer la reculade iranienne après une victoire pourtant pharamineuse. Il n’y a hélas sans doute que des marionnettes avec un cerveau central, voyez l’apologue du Katha-Sarit-Sagara commenté par Guénon. Car les gouvernements veulent tous la même chose : dépeupler et contrôler. Voyez la description de la démographie chinoise et iranienne par Eugène Kusmiak. Le seul pays développé à vouloir et avoir des enfants c’est Israël : les juifs sont comme les autres MAIS PLUS, disait le président Weizmann qui avait bien raison.

Sur l’anéantissement de l’Allemagne et l’invasion communiste de l’Europe (qui dut se taper quarante ans de chars russes et de frugalité soviétique, certains l’oublient…), je citerai brièvement un certain Tolkien qui lui était anti-impérialiste mais aussi anticommuniste et antisoviétique.

« Je viens d'apprendre la nouvelle… Les Russes sont à 95 kilomètres de Berlin. Il semble bien que quelque chose de décisif pourrait bientôt se produire. Les destructions et la misère effroyables de cette guerre s'accumulent d'heure en heure : destruction de ce qui devrait être (et est) la richesse commune de l'Europe et du monde, si l'humanité n'était pas si obsédée, richesse dont la perte nous affectera tous, vainqueurs ou non. Pourtant, les gens jubilent d'entendre parler des files interminables, longues de 65 kilomètres, de réfugiés, de femmes et d'enfants misérables qui affluent vers l'Ouest, mourant en chemin. Il semble qu'il ne reste plus aucune compassion, aucune imagination, en cette heure sombre et diabolique. Je ne veux pas dire par là que tout cela, dans la situation actuelle, principalement (et non uniquement) créée par l'Allemagne, ne soit pas nécessaire et inévitable. Mais pourquoi se réjouir ! Nous étions censés avoir atteint un stade de civilisation où il serait encore nécessaire d'exécuter un criminel, mais pas de jubiler, ni de pendre sa femme et son enfant à ses côtés sous les huées de la foule orque. La destruction de l’Allemagne, fût-elle cent fois, méritée, est l’une des plus grandes catastrophes de l’histoire. »

De Gaulle souligne dans ses mémoires cette anecdote : « l’homme blanc n’est plus le bienvenu en Asie », selon Roosevelt, tout content d’en finir avec les empires coloniaux de la France et des autres. Et dire que Churchill a imposé sa guerre aux Anglais (toujours bien soumis et surtout désinformés) en arguant de la défense de l’empire. Ils le perdirent en quelques années cet empire, et on les reprogramma ces chers britanniques pour se faire envahir et même diriger par des minorités ethniques et religieuses particulièrement virulentes et décomplexées, et même encouragées par leurs monarques. De toute manière la politique de la couronne cabalistique anglaise depuis Guillaume ou Malthus ou Cromwell a toujours été de dépeupler ici… et ailleurs. C’est bien son agenda que l’on suit à Davos, Paris ou Bruxelles. La nature adore le vide.

Sur le plan intérieur Roosevelt partagera la même joie de dépeuplement. Voir les Bilderbergs en ce moment qui veulent achever la dépopulation de l’Europe et son remplacement.

Une dépopulation des campagnes US (revoir John Ford toujours et ses inutiles raisins de la colère) proche de l’Holodomor finalement) fut été froidement organisée. Mais elle n’est pas connue. La liquidation de la masse paysanne est une obsession du monde moderne, de 1792 aux années soixante en France par exemple (voyez ma destruction de la France au cinéma).

Un détail qui échappe à Ron Unz c’est celui de la lutte contre les élites Wasp lancée par les progressistes et les juifs libéraux (ce n’est pas moi que le dis mais Adorno…) : Grace Kelly dans son altercation avec Sinatra dans High Society parle de la liquidation des élites Wasp et de leurs splendides mansions à Newport ou ailleurs par… les impôts. On les a remplacées ethniquement depuis ces élites donc elles ne paient plus d’impôts ! Tolkien sera mis à contribution avec son Palantir pour calmer les derniers récalcitrants.

De toute manière notre anéantissement programmé se fait sans effort grâce à la télé muée en outil génocidaire global. Roosevelt est toujours déifié comme Obama et tant d’autres par cette classe moyenne ahurie dont Drumont et Guénon n’ont cessé de se moquer. Il n’y a rien à faire. Je repensais en en parlant à PHG à Alfred Sauvy par exemple : cet honnête homme qui défendait la démographie française avait exécuté Roosevelt et son New Deal ; New Deal raté qui se termina par une guerre et une mobilisation sans égale, suivies d’un endettement fabuleux. Je le cite :

« Le mythe Roosevelt. — C'est surtout en France qu'il sévit : aux États-Unis, Roosevelt est discuté suivant le clivage politique. En France, selon l'opinion générale, l'économie américaine a été rétablie par Roosevelt et son New Deal. Si on faisait un sondage actuellement, parmi les contemporains comme parmi les nouvelles générations, une forte majorité des opinions exprimées le serait dans ce sens. Bien différente est la réalité : après la dévaluation du dollar en 1933, une vive reprise s'est produite aux États-Unis, comme dans tous les pays qui, à l'époque, avaient eu recours à cette opération. Cette reprise ne devait rien à la politique du New Deal et a même été brisée par elle. En 1938, une crise très profonde, plus rapide encore que celle de 1929, a accablé à nouveau les États-Unis, qui n'ont été sauvés que par l'approche de la guerre et l'armement. »

Et pour finir, Roosevelt étant Dieu avec Churchill et Gambetta, je redonne mon René Guénon à méditer :

« À cet égard, nous ne croyons pas qu’on ait jamais remarqué suffisamment l’analogie, pourtant frappante, que l’action de l’orateur, notamment, présente avec celle de l’hypnotiseur (et celle du dompteur est également du même ordre) ; nous signalons en passant ce sujet d’études à l’attention des psychologues. Sans doute, le pouvoir des mots s’est déjà exercé plus ou moins en d’autres temps que le nôtre ; mais ce dont on n’a pas d’exemple, c’est cette gigantesque hallucination collective par laquelle toute une partie de l’humanité en est arrivée à prendre les plus vaines chimères pour d’incontestables réalités ; et, parmi ces idoles de l’esprit moderne, celles que nous dénonçons présentement sont peut-être les plus pernicieuses de toutes. »

La science ne nous sauve en rien, bien au contraire. Elle a déliré brillamment au moment de notre si immortelle épidémie (masques, tests, gestes-barrière, position assise, etc.) et, autre nom à majuscule, elle sert aussi la mise sous hypnose :

« La civilisation occidentale moderne a, entre autres prétentions, celle d’être éminemment «scientifique» ; il serait bon de préciser un peu comment on entend ce mot, mais c’est ce qu’on ne fait pas d’ordinaire, car il est du nombre de ceux auxquels nos contemporains semblent attacher une sorte de pouvoir mystérieux, indépendamment de leur sens. La « Science », avec une majuscule, comme le « Progrès » et la « Civilisation », comme le « Droit », la « Justice » et la « Liberté », est encore une de ces entités qu’il faut mieux ne pas chercher à définir, et qui risquent de perdre tout leur prestige dès qu’on les examine d’un peu trop près. »

Le pire est que les bouffons ennemis géostratégiques de l’occident (de Brics et de broc…) fonctionnent comme lui maintenant, même si les antisystèmes refusent de le voir et de le comprendre : écologie, féminisme, mondialisme, totalitarisme cybernétique, science, vaccins, tout y passe pour créer ce monde simulé que pressentirent Poe ou Chateaubriand. Mais c’est un autre sujet.




jeudi 16 octobre 2025

L’Union européenne a failli interdire votre droit à la vie privée



Message de Telegram à tous ses utilisateurs au sujet de Chat Control : seul le récent revirement de l’Allemagne contre Chat control nous a (temporairement) sauvés de ce monstrueux texte européen !



« Aujourd’hui, l’Union européenne a failli interdire votre droit à la vie privée. Une loi devait être votée, obligeant les applications à scanner tous les messages privés et transformant chaque téléphone en un outil de surveillance.

La France a été le moteur de ce projet autoritaire, avec le soutien des anciens et actuels ministres de l’Intérieur, Bruno Retailleau et Laurent Nuñez. En mars dernier, ils ont déclaré que la police devrait pouvoir consulter les messages privés des citoyens français (détails ici). Les Républicains et Renaissance, le parti de Macron, ont voté en faveur de cette loi.

De telles mesures censées « lutter contre la criminalité » visent en réalité les citoyens ordinaires. Elles n’arrêteraient pas les criminels — qui pourraient simplement utiliser des VPN ou des sites spéciaux pour se cacher. Les messages des autorités et de la police ne seraient pas non plus surveillés, car la loi les en protège. Seuls VOUS — simples citoyens — risqueriez de voir vos photos et messages privés compromis.

Aujourd’hui, nous avons défendu la vie privée : l'Allemagne, par sa prise de position soudaine, a préservé nos droits. Toutefois, la menace qui pèse sur nos libertés demeure. Alors que les dirigeants français réclament un accès total aux messages privés, les droits fondamentaux des Français — et de tous les Européens — restent menacés »



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BONUS

ChatGPT a un œil sur toi et Quand tu lui demandes :

— “Quel pays a accès à tes données ?”
— “Il commence par un E.”
— “Les États-Unis ?”









mercredi 15 octobre 2025

René Guénon et notre civilisation hallucinatoire




« …si l’on veut prendre les mêmes mots dans un sens absolu, ils ne correspondent plus à aucune réalité, et c’est justement alors qu’ils représentent ces idées nouvelles qui n’ont cours que moins de deux siècles, et dans le seul Occident. Certes, « le Progrès » et « la Civilisation », avec des majuscules, cela peut faire un excellent effet dans certaines phrases aussi creuses que déclamatoires, très propres à impressionner la foule pour qui la parole sert moins à exprimer la pensée qu’à suppléer à son absence ; à ce titre, cela joue un rôle des plus importants dans l’arsenal de formules dont les « dirigeants » contemporains se servent pour accomplir la singulière œuvre de suggestion collective sans laquelle la mentalité spécifiquement moderne ne saurait subsister bien longtemps. » Guénon écrit « Dirigeants » entre guillemets !…





Il est évident que nous vivons sous hypnose : abrutissement médiatique/pédagogique, journaux, actus en bandeaux, « tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire. » Mais cette hypnose est ancienne et explique aussi bien l’ère d’un Cromwell que celle d’un Robespierre ou d’un Luther-Calvin. L’occident est malade depuis plus longtemps que la télé…O Gutenberg…

Je redécouvre des pages extraordinaires de Guénon en relisant "Orient et Occident". Il y dénonce le caractère fictif de la notion de civilisation ; puis son caractère hallucinatoire à notre civilisation ; enfin son racisme et son intolérance permanentes (sus aux jaunes ou aux musulmans, dont les pays – voyez le classement des pays par meurtre sur Wikipédia – sont les moins violents au monde). Problème : cette anti-civilisation dont les conservateurs se repaissent, est la fois destructrice et suicidaire. Exemple : on détruit des dizaines de pays ou des styles de vie pour se faire plus vite remplacer physiquement (puisque métaphysiquement nous sommes déjà zombis)…

Voyons Guénon :

« La vie des mots n’est pas indépendante de la vie des idées. Le mot de civilisation, dont nos ancêtres se passaient fort bien, peut-être parce qu’ils avaient la chose, s’est répandu au XIXe siècle sous l’influence d’idées nouvelles…Ainsi, ces deux idées de « civilisation » et de « progrès », qui sont fort étroitement associées, ne datent l’une et l’autre que de la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est-à-dire de l’époque qui, entre autres choses, vit naître aussi le matérialisme; et elles furent surtout propagées et popularisées par les rêveurs socialistes du début du XIXe siècle.»

Guénon pense comme le Valéry de Regards (1) que l’histoire est une science truquée servant des agendas :

« L’histoire vraie peut être dangereuse pour certains intérêts politiques ; et on est en droit de se demander si ce n’est pas pour cette raison que certaines méthodes, en ce domaine, sont imposées officiellement à l’exclusion de toutes les autres : consciemment ou non, on écarte a priori tout ce qui permettrait de voir clair en bien des choses, et c’est ainsi que se forme l’« opinion publique ».

Puis il fait le procès de nos grands mots (comme disait Céline : le latin, le latinisant en particulier estconifié par les mots), les mots à majuscule du monde moderne :

« …si l’on veut prendre les mêmes mots dans un sens absolu, ils ne correspondent plus à aucune réalité, et c’est justement alors qu’ils représentent ces idées nouvelles qui n’ont cours que moins de deux siècles, et dans le seul Occident. Certes, « le Progrès » et « la Civilisation », avec des majuscules, cela peut faire un excellent effet dans certaines phrases aussi creuses que déclamatoires, très propres à impressionner la foule pour qui la parole sert moins à exprimer la pensée qu’à suppléer à son absence ; à ce titre, cela joue un rôle des plus importants dans l’arsenal de formules dont les « dirigeants » contemporains se servent pour accomplir la singulière œuvre de suggestion collective sans laquelle la mentalité spécifiquement moderne ne saurait subsister bien longtemps. »

Il a évoqué la suggestion comme Gustave Le Bon. Il va même parler d’hypnose, notre René Guénon !

« À cet égard, nous ne croyons pas qu’on ait jamais remarqué suffisamment l’analogie, pourtant frappante, que l’action de l’orateur, notamment, présente avec celle de l’hypnotiseur (et celle du dompteur est également du même ordre) ; nous signalons en passant ce sujet d’études à l’attention des psychologues. Sans doute, le pouvoir des mots s’est déjà exercé plus ou moins en d’autres temps que le nôtre ; mais ce dont on n’a pas d’exemple, c’est cette gigantesque hallucination collective par laquelle toute une partie de l’humanité en est arrivée à prendre les plus vaines chimères pour d’incontestables réalités ; et, parmi ces idoles de l’esprit moderne, celles que nous dénonçons présentement sont peut-être les plus pernicieuses de toutes. »

A l’époque moderne, le mot devient une idole. TS Eliot en parle aussi dans un poème célèbre, les chorus :

Words that have taken the place of thoughts and feelings…

La science ne nous sauve en rien, bien au contraire. Autre nom à majuscule, elle sert aussi notre mise en hypnose (pour René Guénon, aucun mot à particule n’a de sens sérieux, et il est important de le noter) :

« La civilisation occidentale moderne a, entre autres prétentions, celle d’être éminemment « scientifique » ; il serait bon de préciser un peu comment on entend ce mot, mais c’est ce qu’on ne fait pas d’ordinaire, car il est du nombre de ceux auxquels nos contemporains semblent attacher une sorte de pouvoir mystérieux, indépendamment de leur sens. La « Science », avec une majuscule, comme le « Progrès » et la « Civilisation », comme le « Droit », la « Justice » et la « Liberté », est encore une de ces entités qu’il faut mieux ne pas chercher à définir, et qui risquent de perdre tout leur prestige dès qu’on les examine d’un peu trop près. »

Le mot est une suggestion (repensez à la Psychologie des foules de Le Bon) :

« Toutes les soi-disant « conquêtes » dont le monde moderne est si fier se réduisent ainsi à de grands mots derrière lesquels il n’y a rien ou pas grand-chose : suggestion collective, avons-nous dit, illusion qui, pour être partagée par tant d’individus et pour se maintenir comme elle le fait, ne saurait être spontanée ; peut-être essaierons-nous quelque jour d’éclaircir un peu ce côté de la question. »

Et le vocable reste imprécis, s’il est idolâtré :

« …nous constatons seulement que l’Occident actuel croit aux idées que nous venons de dire, si tant est que l’on puisse appeler cela des idées, de quelque façon que cette croyance lui soit venue. Ce ne sont pas vraiment des idées, car beaucoup de ceux qui prononcent ces mots avec le plus de conviction n’ont dans la pensée rien de bien net qui y corresponde ; au fond, il n’y a là, dans la plupart des cas, que l’expression, on pourrait même dire la personnification, d’aspirations sentimentales plus ou moins vagues. Ce sont de véritables idoles, les divinités d’une sorte de « religion laïque » qui n’est pas nettement définie, sans doute, et qui ne peut pas l’être, mais qui n’en a pas moins une existence très réelle : ce n’est pas de la religion au sens propre du mot, mais c’est ce qui prétend s’y substituer, et qui mériterait mieux d’être appelé « contre-religion ».

L’hystérie occidentale, européenne ou américaine, est violente et permanente (en ce moment russophobie, Afghanistan, Syrie, Irak, Venezuela, Libye, etc.). Elle repose sur le sentimentalisme ou sur l’humanitarisme :

« De toutes les superstitions prêchées par ceux-là mêmes qui font profession de déclamer à tout propos contre la « superstition », celle de la « science » et de la « raison » est la seule qui ne semble pas, à première vue, reposer sur une base sentimentale ; mais il y a parfois un rationalisme qui n’est que du sentimentalisme déguisé, comme ne le prouve que trop la passion qu’y apportent ses partisans, la haine dont ils témoignent contre tout ce qui contrarie leurs tendances ou dépasse leur compréhension. »

Le mot haine est important ici, qui reflète cette instabilité ontologique, et qui au nom de l’humanisme justifie toutes les sanctions et toutes les violences guerrières. Guénon ajoute sur l’islamophobie :

« …ceux qui sont incapables de distinguer entre les différent domaines croiraient faussement à une concurrence sur le terrain religieux ; et il y a certainement, dans la masse occidentale (où nous comprenons la plupart des pseudo-intellectuels), beaucoup plus de haine à l’égard de tout ce qui est islamique qu’en ce qui concerne le reste de l’Orient. »

Et sur la haine antichinoise :

« Ceux mêmes d’entre les Orientaux qui passent pour être le plus fermés à tout ce qui est étranger, les Chinois, par exemple, verraient sans répugnance des Européens venir individuellement s’établir chez eux pour y faire du commerce, s’ils ne savaient trop bien, pour en avoir fait la triste expérience, à quoi ils s’exposent en les laissant faire, et quels empiétements sont bientôt la conséquence de ce qui, au début, semblait le plus inoffensif. Les Chinois sont le peuple le plus profondément pacifique qui existe… »

Sur le péril jaune alors mis à la mode par Guillaume II :

« …rien ne saurait être plus ridicule que la chimérique terreur du « péril jaune », inventé jadis par Guillaume II, qui le symbolisa même dans un de ces tableaux à prétentions mystiques qu’il se plaisait à peindre pour occuper ses loisirs ; il faut toute l’ignorance de la plupart des Occidentaux, et leur incapacité à concevoir combien les autres hommes sont différents d’eux, pour en arriver à s’imaginer le peuple chinois se levant en armes pour marcher à la conquête de l’Europe… »

Guénon annonce même dans la deuxième partie de son livre le « grand remplacement » de la population occidentale ignoré par les hypnotisés et plastronné par les terrorisés :

« …les peuples européens, sans doute parce qu’ils sont formés d’éléments hétérogènes et ne constituent pas une race à proprement parler, sont ceux dont les caractères ethniques sont les moins stables et disparaissent le plus rapidement en se mêlant à d’autres races ; partout où il se produit de tels mélanges, c’est toujours l’Occidental qui est absorbé, bien loin de pouvoir absorber les autres. »

A la même époque de nombreux écrivains (Chesterton, Yeats, Céline, Madison Grant ou Scott Fitzgerald en Amérique) pressentent/constatent aussi le déclin quantitatif de la population en occident. Guénon semble par contre avoir surestimé la résilience orientale au smartphone et au béton, à la télé et au shopping-center… Sans oublier Hollywood, le tabac et le chewing-gum. Mais on ne se refera pas.

Concluons : notre bel et increvable occident est toujours aussi belliqueux, destructeur et autoritaire ; mais il est en même temps humanitaire, pleurnichard, écolo, mal dans sa peau, torturé, suicidaire, niant histoire, racines, polarité sexuelle… De ce point de vue on est bien dans une répugnante continuité de puissance hallucinée fonctionnant sous hypnose (relisez dans ce sens la Galaxie Gutenberg qui explique comment l’imprimerie nous aura altérés), et Guénon l’aura rappelé avec une sévère maîtrise…


Note

(1) Valéry : « L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines… L’Histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout. »

Sources

René Guénon, "Orient et occident", classiques.uqac.ca, pp.20-35.

mardi 14 octobre 2025

L'OCCIDENT S'EFFONDRE ENTRE MILITARISATION ET CRETINISATION !





La guerre numérique, telle qu’elle est menée aujourd’hui par des puissances comme les États-Unis, Israël et la Chine, ne se résume pas à un simple affrontement technique ou à une question de cybersécurité. Loin de l'idée d'un espace libre et démocratique, Internet est devenu un champ de bataille où la surveillance et la manipulation des masses sont devenues des stratégies de contrôle totalitaire. Cette militarisation d’Internet est une extension de la logique de guerre permanente à laquelle l’Occident semble condamné, et elle en révèle les failles avec un système de crétinisation des pensées qui se renforce par la répression, l'intimidation et le conditionnement.

L’un des acteurs majeurs de cette militarisation est, bien entendu, la DARPA, l’agence de recherche de défense des États-Unis. En finançant la création d’Internet, la DARPA n’a pas seulement créé un réseau de communication, mais un terrain d'opération pour la guerre technologique. Internet, qui avait l’apparence d'un outil pour connecter l’humanité, a été transformé en une plate-forme de surveillance et d'infiltration. L’obsession de maintenir la domination militaire a conduit à l'instrumentalisation d’un espace numérique où chaque geste, chaque interaction, devient une donnée analysée pour renforcer le contrôle et assujettir les individus.

La DARPA, avec son rôle dans la conception de l’Internet moderne, continue évidemment de financer et de superviser des recherches dans des domaines aussi sensibles que l’intelligence artificielle, la robotique, les réseaux neuronaux et les cyberattaques. Cette agence américaine, qui a vu le jour dans les années 1950, incarne la fusion entre l'innovation technologique, la surveillance généralisée, l'abrutissement des masses et la sécurité nationale. Bien que ses missions aient évolué depuis la Guerre froide, la DARPA demeure un acteur clé dans la guerre numérique, notamment en collaborant avec des géants technologiques pour expérimenter des technologies de surveillance de masse et de manipulation des données à grande échelle.

Mais la DARPA n’est pas seule. Dans l’ombre, des agences comme la NSA (National Security Agency) ont fait d'Internet un terrain privilégié d'espionnage. Grâce aux révélations d'Edward Snowden, le monde a pris conscience de l’ampleur de la surveillance que la NSA mène sur les communications mondiales. En interceptant des milliards de messages, de conversations et de données personnelles, la NSA tisse un réseau d’espionnage global, souvent en partenariat avec des entreprises privées comme Google, Apple et Microsoft. À travers des programmes comme PRISM et XKeyscore, la NSA a mis en place un écosystème d'espionnage numérique où les frontières entre surveillance nationale et internationale sont de plus en plus floues. L’agence a ainsi la capacité d'influencer non seulement les politiques intérieures des nations, mais aussi de manipuler des événements géopolitiques, en exposant des informations sensibles ou en brouillant les pistes.

L’unité 8200 israélienne, l’une des divisions de l'armée israélienne, s'est également imposée comme un acteur incontournable dans ce domaine. Son rôle, à la fois en cybersécurité et dans les opérations de renseignement électronique, est d'une importance stratégique pour Israël. L’unité 8200 se spécialise dans les cyberattaques offensives et la surveillance des communications. Elle a joué un rôle clé dans des opérations contre des infrastructures critiques en Iran, notamment en sabotant son programme nucléaire via des cyberattaques sophistiquées comme Stuxnet ou l'explosion des bippers. Par ailleurs, Israël a utilisé la guerre numérique pour influer sur les relations internationales, en menant des cyber-attaques contre des ennemis tout en déstabilisant des régimes par des opérations de manipulation de l'information, de saturation des réseaux sociaux et de censure extrême des commentaires belliqueux contre leur colonisation sanguinaire. Cette capacité à mêler cyber-attaque et guerre de l’information place Israël au cœur de l’arsenal numérique des grandes puissances.

Cependant, la militarisation de l'Internet par ces forces ne se contente pas de défendre des intérêts géopolitiques mais symbolise aussi le dernier recours de l’Occident pour maintenir son hégémonie dans un monde où les règles de la guerre sont de plus en plus déconnectées de toute forme de rationalité et de justice. En agissant ainsi, l’Occident, dont la décadence semble ne plus avoir de limites, se renferme dans un modèle de gouvernance basé sur l’accumulation de pouvoir et de contrôle, quitte à sacrifier son éthique et sa pensée critique.

En parallèle de cette militarisation, Internet devient également un instrument de crétinisation systématique des masses. Ce phénomène, que l’on observe particulièrement à travers les réseaux sociaux, n’est pas seulement une question d'addiction ou de distraction, mais bien une stratégie de contrôle social qui repose sur la réduction des individus à de simples consommateurs d'information, manipulables à souhait. Si l’Occident, autrefois bastion des Lumières et de la pensée critique, devient un terrain où l’opinion publique est façonnée par des bots et des algorithmes, c’est surtout le signe d’un effondrement intellectuel et moral profond.

Les géants de la Tech, tels que Facebook, Google, et Twitter/X, ne se contentent plus de recueillir des données personnelles, mais participent activement à cette dégradation cognitive en contrôlant la manière dont nous pensons et agissons. Leurs algorithmes sont conçus pour capter notre attention et la maintenir à travers des contenus émotionnellement chargés et souvent polarisants, créant une sorte de "bulle de filtrage" où l’opinion individuelle est réduite à un écho de ses propres biais. Le machine "elearning" (apprentissage en temps réel), qui analyse nos préférences, nos habitudes, nos peurs et nos désirs, sert non seulement à anticiper nos comportements de consommation, mais aussi à les influencer plus ou moins subtilement.

Mais plus grave encore, l’apparition de bots et d’agents virtuels sur les plateformes sociales a permis la propagation à une échelle industrielle de désinformation, de fake news, et de narrations simplistes. Ce processus transforme la réflexion humaine en une forme de consommation intellectuelle où les individus sont réduits à de simples récepteurs passifs. Les débats publics ne sont plus qu’un enchevêtrement de messages déformés par des bots qui amplifient la polarisation, entretenant ainsi un état de confusion permanente qui nourrit une crétinisation collective.

Dans ce contexte, Internet n’est plus seulement un outil de distraction ou de contrôle mais devient une machine de décérébration. La démocratie occidentale, censée être le creuset de la discussion rationnelle et du débat d’idées, est désormais submergée par une vague de bruit numérique qui étouffe la pensée critique et dévalue l’intelligence humaine. L'influence des bots et des algorithmes de recommandation montre bien que nous sommes dans une ère où la technologie, loin de libérer les individus, les transforme en simples exécutants d'une technostructure qui tire les ficelles de leur comportement et de leur opinion.

Les désillusions numériques sont apparues subtilement. D'abord, il s'agissait de publicités plus ciblées, plus adaptées. Puis, des suggestions de films ou de livres qui semblaient connaître nos goûts mieux que nous-mêmes. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus seulement nos préférences qui sont collectées. Nos interactions en ligne, nos recherches, nos déplacements, nos conversations… tout est observé, analysé, puis exploité. La question n'est plus de savoir si nos données sont collectées, mais comment elles sont utilisées contre nous. Cette réalité, bien que de plus en plus évidente, reste encore largement ignorée, enveloppée par un voile d'illusion de la "liberté numérique".

Au-delà des enjeux techniques, ce phénomène de militarisation et de crétinisation numérique fait partie d’un déclin civilisationnel plus profond. Il ne s’agit pas seulement d’une évolution technologique, mais d’une évolution morale et intellectuelle de l’Occident, où la quête de pouvoir et de contrôle l’a conduit à abandonner les principes fondamentaux de liberté, de raison et de responsabilité. En cherchant à imposer un modèle de domination numérique basé sur la surveillance et l’exploitation des masses, l’Occident semble donc se vouer à sa propre autodestruction.

Cette décadence est d’autant plus flagrante que les technologies qui auraient dû favoriser l’émancipation individuelle deviennent des outils de déshumanisation. La guerre numérique, la surveillance totale, et l'influence de l'intelligence artificielle sur nos comportements sont des symptômes d’une civilisation qui se cherche des ennemis partout, quitte à sacrifier son âme pour préserver un ordre mondialisé fondé sur la peur et la manipulation. À travers cette dynamique, l’Occident révèle sa crise profonde de sens, son impuissance face à la complexité du monde, et sa tendance à réduire les individus à des acteurs passifs dans un grand jeu de pouvoirs technologiques. Ainsi, la crétinisation numérique par Internet, nous laisse petit à petit dans un champ de ruines intellectuelles sous domination technologique.

En effet, ce qui devait être un nouvel âge de la connaissance est devenu une foire algorithmique où l’ignorance s’exhibe fièrement, où la surveillance se dissimule sous des interfaces conviviales, et où la pensée s’efface sous le poids du clic. Internet est aujourd’hui un champ de mines cognitives, un territoire occupé, militarisé, où la guerre ne se mène plus avec des armes, mais avec des données, des récits biaisés et des interfaces addictives. Derrière le vernis de la modernité numérique, c’est donc bien une vaste opération de lobotomie à ciel ouvert qui se joue. Les États, les multinationales et leurs ingénieurs de l’aliénation ont transformé ce réseau en un panoptique sophistiqué, où chaque geste, chaque opinion, chaque mot est scruté, canalisé et surtout rentabilisé.

Il faut bien être conscient que l’origine d’Internet n’a rien de neutre. Il n’est pas né dans une université utopiste, mais dans les laboratoires militaires de la DARPA, bras armé du Pentagone. L’ADN du réseau est donc une arme et sa mutation logique l’a conduit vers une militarisation totale. Du projet ARPANET à l'Unité 8200 israélienne, en passant par Milnet, Stuxnet et NotPetya, chaque évolution du réseau a accentué sa nature belliqueuse et sa fonction stratégique. Ce n'est plus un réseau ouvert, virtuel et décentralisé, mais un bien terrain d’opérations réel pour les cyber-combats invisibles.

Les armées numériques remplacent les bataillons, les virus remplacent les missiles. Et pendant que le grand public consomme des selfies, des "mèmes" et des likes, des puissances invisibles redessinent les cartes géopolitiques via des lignes de code. Les guerres contemporaines ne tuent plus directement mais elles affaiblissent, désorientent et détruisent sans bruit. Le cyberespace est devenu un théâtre d'opérations mondial, où les objectifs sont désormais la déstabilisation, la manipulation des opinions publiques, l’influence des élections et la création de ruptures sociales, et ce, sans que la majorité en prenne conscience. Tout se joue en arrière-plan, invisible aux yeux du citoyen moyen, qui ne voit dans ses interactions numériques qu'une quête de simplicité, de confort, et d'efficacité.

Mais la guerre numérique n’a pas seulement un front militaire, elle a aussi un front mental. Car la crétinisation d’Internet est la stratégie de domination la plus efficace jamais conçue. Sun Tzu a souligné l'importance de la ruse dans la stratégie militaire, notamment en conseillant de "feindre la faiblesse pour inciter l'ennemi à l'arrogance" car "tout art de la guerre repose sur la duperie". Là où la pensée critique pouvait émerger, on a injecté l’insignifiance à haute dose. Les plateformes sociales, conçues comme outils de libération, sont devenues des arènes de conditionnement émotionnel. L’intelligence artificielle, déguisée en alliée de la productivité, est l’arme du mensonge optimisé, du contenu prémâché, du débat évacué.

Les bots remplacent les citoyens, les algorithmes dictent la visibilité. La connaissance n’est plus une quête, mais une suggestion sponsorisée. Les articles sont noyés sous des commentaires automatiques, pavloviens, analphabètes, dont le seul but est de noyer la pensée dans un océan de bruit. Les auteurs ne sont plus des penseurs, mais des générateurs de contenu formaté, calibrés pour flatter l’hystérie collective ou provoquer la polémique instantanée. Ces interactions virtuelles, souvent dépourvues de sens profond, sont calibrées pour capturer notre attention et engendrer des réactions superficielles, en déconnexion totale avec les réalités complexes et nuancées qui devraient animer la réflexion.

Internet, en tant qu’espace numérique ouvert et démocratique, a été transformé en une machine de réduction cognitive. Les plateformes, comme Facebook, Instagram, TikTok, et autres, sont devenues des machines à rétrécir l'intellect humain, en alimentant une consommation incessante de contenus faits pour faire réagir, non pour faire réfléchir. Le système, conçu pour maximiser l'engagement à tout prix, favorise les contenus les plus émotionnels, les plus simplistes, les plus polarisants. La culture de l'immédiateté et de la gratification instantanée tue la réflexion longue et l'analyse critique. Nous sommes entrés dans l’ère de la Technolâtrie et de l’idiotie programmée.

Les geeks modernes, enfants bénis du capitalisme numérique, se rêvent bâtisseurs d’un monde nouveau. Mais ils ne sont que des exécutants zélés, des auxiliaires enthousiastes d’un système qui les dépasse. Ils encensent le code, vénèrent l’algorithme, prêchent la solution technique comme si elle pouvait racheter l’humanité de sa médiocrité. Ce sont les nouveaux dévots de la religion digitale, remplaçant l’ancien clergé par des lignes de commande, les dogmes par des lignes de code.

Ils croient coder la liberté, mais bâtissent des prisons transparentes. Ils se disent révolutionnaires, mais ne font que perfectionner les chaînes. Leur idéal utopique repose sur une croyance naïve dans la technologie, une foi aveugle qui ignore les conséquences profondes de la domination numérique. Ils imposent un monde de contrôle total, où chaque mouvement, chaque pensée, chaque désir est enregistré, classé et exploité, le tout au nom de l’efficacité et de la "liberté numérique". Nous sommes passés du Trotskisme au Techno-crétinisme. De l’insurrection idéologique, nous sommes tombés dans un conformisme aseptisé, où la technologie est censée résoudre tous les maux sans jamais remettre en question les structures de pouvoir. Le paradoxe est qu'à l’époque, on se battait contre les élites, aujourd’hui, on les sert aveuglément en leur donnant les clés de nos vies sous couvert de progrès.

Certes, le parallèle historique est brutal, mais inéluctablement limpide. Les geeks modernes, ces prêcheurs du cyber-édénisme, se révèlent les héritiers d’une idéologie technolâtre aussi aveugle et doctrinaire que celle des trotskistes d’hier. Ils partagent la même ferveur religieuse pour leur utopie numérique, la même certitude dogmatique que la solution technique est la réponse à tous les maux de l’humanité, sans jamais se soucier des dérives et des conséquences inévitables de leurs rêves abstraits. Ils ne voient pas que derrière chaque promesse de liberté numérique se cache un système de contrôle perfectionné, une aliénation subtilement orchestrée.

Là où les marxistes promettaient l'émancipation par la dictature du prolétariat - ce qui n’a jamais été qu’une illusion de libération pour mieux instaurer une nouvelle forme d’autorité - nos technophiles actuels déploient une promesse encore plus insidieuse de la "liberté" par la dictature des données. Mais cette prétendue liberté, comme une marchandise bien emballée, cache une servitude encore plus perfide. Car, en réalité, cette dictature des données n’est qu’une mise en esclavage numérique, où l'individu, sous le masque de la liberté individuelle, devient un produit à optimiser et à contrôler. C’est un esclavage parfaitement calibré, invisible à l’œil nu mais omniprésent, qui surveille, analyse, et conditionne chaque mouvement de pensée et d’action.

Ces nouveaux "socialistes", vestiges cacochymes d’un trotskisme mal digéré, s’accrochent à des dogmes fanés avec l’obstination d’esprits incapables de voir que le monde a basculé sans eux. Figés dans une dialectique poussiéreuse, ils ânonnent les mantras d’une révolution fantasmatique, en ressassant des slogans périmés sur la lutte des classes, comme si les usines fumantes et les barricades de 1917 allaient ressurgir dans un monde désormais numérisé, algorithmisé, dissous dans la toile du capitalisme technologique. Cloîtrés dans leurs certitudes, ils radotent la promesse d’un prolétariat salvateur alors même que la domination d’aujourd’hui ne se niche plus dans les usines mais dans les serveurs, les données, les flux invisibles qui façonnent nos vies à coup de ciblage comportemental et d’intelligence artificielle. Ce sont des aveugles fiers de leur cécité, des orateurs d’une guerre déjà perdue, incapables de reconnaître que le pouvoir a changé de visage car il ne porte plus de képi ni de cigare, il s’habille en code source et parle en langage binaire. En perpétuant leurs discours fossilisés, ils ne combattent pas le système, ils le servent. Pires que des réactionnaires, ce sont des fantômes militants d’une époque révolue, transformés malgré eux en pantins utiles d’un ordre numérique qui les écrase tout en les laissant croire qu’ils résistent.

Tout comme leurs prédécesseurs trotskistes, les geeks modernes ont un savant mépris pour la réalité. Leur vision n’est qu’un désert d’idées où l’abstraction technologique et l’obsession de l’efficacité passent avant toute réflexion éthique ou humaine. À la place des slogans révolutionnaires du passé, ils nous offrent des "dashboards" pleins de "notifications" qui nous maintiennent dans une passivité active, une inertie intellectuelle qui se masque en activité numérique. Au fond, ce n’est pas la liberté qu’ils cherchent à offrir, mais la totale et définitive réduction de l’individu à sa simple fonction de consommateur, un rouage de plus dans une machine géante, où chaque action est calculée, mesurée et exploitée pour augmenter l'efficacité du système.

Le "Technolâtrisme" n’est rien d'autre qu'une forme moderne de totalitarisme, encore plus insidieuse, car elle se pare de vertus progressistes et d’une pseudo-éthique qui cache ses intérêts économiques et politiques. Derrière les écrans lumineux, la promesse de "connecter le monde" et de "libérer les masses" ne fait que masquer le contrôle absolu sur toutes les facettes de l’existence humaine. Ce n’est plus un prolétariat qu’ils cherchent à asservir, mais une humanité entière, fragmentée, numérisée, et enfermée dans des prisons invisibles mais étanches, où chaque geste et chaque pensée est calculé pour maximiser l’engagement et la rentabilité.

Alors, tout comme les révolutions de jadis ont échoué à apporter la liberté, ce nouveau rêve technologique ne fait que nous plonger dans un désastre numérique où l’illusion de la liberté et de la démocratie ne masque plus que l’asservissement parfait de l’esprit humain. La question n’est pas de savoir si nous serons libres, mais bien qui nous gouverne dans cette ère où les données sont les nouvelles armes du contrôle. Le résultat est identique avec l’uniformisation, surveillance, pensée unique sous stéroïdes technologiques. Les masses ne sont plus dupées par des manifestes puisqu'elles sont hypnotisées par des interfaces. L’idéologie s’est simplement raffinée en n’offrant plus de slogans, plus de marteaux et de faucilles. Juste des "tableaux de bords", des notifications, des "nudges" cognitifs. Le totalitarisme a changé de peau, mais pas de nature. Il reste donc, comme dans l’ancien temps communiste, l’illusion du choix et la réalité du contrôle.

La plus grande réussite de cette nouvelle forme de domination est d’avoir maquillé la soumission en confort, la manipulation en service, l’aliénation en expérience personnalisée. Le citoyen devient consommateur, puis client, puis produit, puis donnée. Il n’a plus d’opinion puisqu’il a des préférences prévisibles. Il ne lit plus, il scrolle. Il ne réfléchit plus, il réagit. Pendant ce temps, les puissances numériques telles que Google, Meta, Amazon, Palantir, et consorts, façonnent le monde selon leurs intérêts. Ils ne conquièrent pas le territoire, mais l’attention. Ils ne s’attaquent pas moins aux ressources naturelles qu’aux cerveaux. Ces entreprises contrôlent l’accès à l’information et créent des espaces où l’illusion de liberté numérique masque la réalité d’un contrôle absolu.

Les géants du numérique ne sont pas les seuls responsables de la surveillance globale. Les gouvernements, à travers des lois et des régulations comme le Patriot Act aux États-Unis ou le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en Europe, ont légitimé, voire amplifié, cette collecte de données à grande échelle. D’une part, le Patriot Act a donné à l’État américain des pouvoirs étendus pour surveiller les citoyens et les étrangers, permettant des écoutes électroniques et la collecte de données sans mandat judiciaire. D'autre part, le RGPD, bien qu’il vise à protéger les données personnelles des citoyens européens, reste une réponse insuffisante face à la sophistication croissante des technologies de surveillance utilisées par les entreprises et les États.

Le phénomène de l'Internet des objets (IoT), qui relie tous les aspects de notre vie quotidienne à Internet, accentue encore cette surveillance. Des objets apparemment anodins, comme les réfrigérateurs, les montres, et même les voitures, le tout connecté, sont désormais capables de collecter et d’envoyer des données personnelles. Ce phénomène transforme nos espaces privés en véritables centres de collecte d’informations, rendant notre vie entière vulnérable à une surveillance continue. Chaque geste quotidien devient une donnée que les entreprises exploitent, que ce soit pour anticiper nos comportements ou pour renforcer leur emprise sur nos vies.

La question centrale n’est donc plus de savoir si nous sommes surveillés, mais bien jusqu’où cette surveillance peut-elle aller. La globalisation de la surveillance, rendue possible par la convergence entre acteurs privés et étatiques, pose un défi inédit pour les sociétés modernes de savoir comment protéger nos libertés face à un système où la vie privée est devenue une ressource, une marchandise, et une arme dans la guerre numérique ?

La militarisation d’Internet et la crétinisation des masses par les algorithmes ne sont que deux faces d’une même pièce d’une civilisation en déclin, qui cherche à se maintenir en puissance par tous les moyens, y compris la manipulation technologique. Ce système, loin d’être un progrès, devient un piège qui condamne à la soumission intellectuelle et à l’abrutissement collectif. L'Occident, en mettant en place une telle architecture de contrôle numérique, montre à quel point il a perdu sa capacité à penser et à se réinventer, en préférant l'illusion du pouvoir sur l’exercice de la liberté.

Les puissances étatiques et les géants de la Tech sont les nouveaux souverains de ce territoire virtuel, chacun cherchant à maintenir son contrôle sur l'information, les données, et les vies humaines. Le contrôle des masses, via la surveillance de l'information, l’ingénierie comportementale, et les cyber-opérations, est désormais une réalité. Nous vivons dans un monde où la technologie, loin de libérer l’humanité, contribue à sa décadence en tant qu’individu autonome et critique. Et l’Occident semble être prisonnier de sa propre création, cherchant à se maintenir en puissance à travers un contrôle totalitaire de l’information, dans une ère où la vérité est devenue la première victime de la guerre numérique.

Phil BROQ.



lundi 13 octobre 2025

La faillite morale de l’empire euro-américain (L’Afghanistan, Israël)




L’Afghanistan et Israël ne sont pas deux histoires distinctes, mais deux miroirs : l’un reflète l’impunité d’un allié criminel, l’autre l’étranglement d’un adversaire indépendant.

Depuis deux décennies, le monde occidental se présente en défenseur des droits de l’homme, tout en trahissant une hypocrisie criante. Comme l’a montré Abou Ragheb Amani dans son article dans le Kabul Times «Deux poids, deux mesures à l’échelle mondiale : les puissances mondiales protègent Israël et punissent l’Afghanistan», les États-Unis et l’Union européenne appliquent le droit international de façon sélective, protégeant Israël malgré ses crimes et punissant l’Afghanistan pour son indépendance. De son côté, Ghulam Reza Omidi, dans son article dans le Kabul Times «Modèles étrangers vs valeurs locales ; pourquoi la démocratie occidentale n’a pas pu s’enraciner en Afghanistan», démontre l’échec d’une démocratie imposée, étrangère aux réalités locales. C’est dans cette logique que la 80ème Assemblée générale de l’ONU s’est réduite à une mise en scène creuse, où Washington, juge déchu, mais toujours autoproclamé, piétine sans vergogne le droit international qu’il brandit comme vitrine, tandis que la France, championne de l’hypocrisie, prêche la solution à deux États tout en approvisionnant Israël en armes. À travers une analyse diachronique et sociométrique, cet article met en lumière, d’une part, le cynisme du double standard pratiqué par l’Occident, et d’autre part, l’effondrement du projet démocratique imposé à l’Afghanistan.

Israël protégé, l’Afghanistan étranglé : la démonstration cynique du double standard occidental

L’histoire récente met en lumière une constante : les États-Unis et leurs satellites européens manipulent le droit international comme une marionnette de foire, exhibée quand cela les arrange et rangée dans le placard lorsqu’elle contrarie leurs intérêts. La guerre de Gaza illustre cette hypocrisie à un degré caricatural. Depuis 1948, et plus encore depuis les bombardements intensifs de 2008, 2014, 2021 et 2023, Israël accumule des violations documentées du droit humanitaire international : massacres de civils, destructions d’infrastructures vitales, usage de la famine comme arme de guerre. Pourtant, Washington a systématiquement bloqué au Conseil de sécurité toute résolution contraignante (la solution à deux États), érigeant Tel-Aviv en État au-dessus des lois.

À l’inverse, l’Afghanistan post-2021, qui a osé chasser l’occupant américain après vingt ans de guerre, est puni avec un sadisme économique qui ferait rougir un bourreau médiéval : avoirs gelés (9,5 milliards de dollars confisqués par la Réserve fédérale en 2021), sanctions bancaires, isolement diplomatique. Tout cela alors même que Kaboul propose dialogue, non-ingérence et coopération régionale. Autrement dit, plus un État massacre avec la bénédiction américaine, plus il est protégé ; plus un peuple ose s’émanciper de la tutelle occidentale, plus il est étranglé.

Ce mécanisme n’est pas un accident, mais une architecture consciente. Il révèle que les «valeurs universelles» brandies par Biden hier, et aujourd’hui par Trump, von der Leyen ou Macron ne sont que des slogans publicitaires pour cacher une vérité crue : l’Occident collectif ne défend pas le droit, mais ses privilèges. En 2025 comme en 2001, il n’existe pas de «communauté internationale» stricto sensu, seulement un cartel politico-financier qui distribue l’impunité à ses alliés criminels et la misère à ses adversaires indépendants.

L’échec de la démocratie imposée : quand Kaboul ridiculise Washington

L’Afghanistan est aussi l’autopsie du mythe occidental : celui d’une démocratie exportable par missiles de croisière et ONG financées par le département d’État. Entre 2001 et 2021, les États-Unis et l’OTAN ont englouti plus de 2000 milliards de dollars, mobilisé jusqu’à 140 000 soldats en 2011, perdu plus de 3500 militaires (dont 2448 Américains), et construit un État Potemkine qui s’est effondré en 11 jours en août 2021, lorsque les talibans ont repris Kaboul. Ashraf Ghani s’est enfui avec des valises d’argent, image grotesque qui restera dans les annales de l’humiliation impériale.

Cet effondrement n’est pas seulement militaire : il est civilisationnel. L’ingénierie sociale occidentale – imposition de valeurs libérales, constitution copiée sur Washington, élections vitrines – s’est fracassée contre la réalité afghane : une société conservatrice, islamique, farouchement attachée à son autonomie historique. Les Américains ont cru qu’un peuple qui a mis en échec les Britanniques (1842, 1880, 1919) allait se plier à leurs fantasmes de «nation-building». Résultat : l’Émirat islamique est revenu plus fort, tandis que la «démocratie made in USA» est devenue le plus grand fiasco idéologique du XXIe siècle.

C’est précisément au moment où Washington et Bruxelles prétendent défendre la démocratie en Ukraine et ailleurs que leur modèle s’effondre le plus spectaculairement. L’Afghanistan est un miroir cruel qui expose l’Occident : sa rhétorique est creuse, sa puissance militaire impuissante, son projet civilisationnel illégitime. L’échec de Kaboul démontre que l’Occident n’exporte pas la démocratie, il exporte le chaos, la dépendance et, à terme, sa propre décrédibilisation.

En filigrane, toutes ces démonstrations prouvent que l’Afghanistan et Israël révèlent ensemble une vérité nue : l’Occident collectif ne croit ni à la justice ni à la démocratie. Il croit au rapport de force, à l’impunité de ses alliés et à l’écrasement de ses opposants. Mais à chaque fois que Kaboul ou Gaza survivent, c’est une gifle infligée au mythe occidental, une preuve supplémentaire que le Sud global, en s’alliant à Moscou, Pékin et ses propres traditions, écrit déjà la page du monde post-occidental.

Mohamed Lamine Kaba

source : New Eastern Outlook via RI


dimanche 12 octobre 2025

Le prix Nobel de la guerre


En célébrant María Corina Machado, une putschiste d’extrême droite, le comité Nobel transforme le prix de la paix en instrument de propagande au service de l’hégémonie américaine et révèle le naufrage moral de cette institution.




L’obtention du prix Nobel de la Paix par María Corina Machado est une farce grotesque, une mascarade politique digne du roman 1984 d'Orwell. La politicienne vénézuélienne a été récompensée « pour son travail infatigable en faveur de la promotion des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte visant à obtenir une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ».

Déjà, dans le Sud global, cette décision est perçue pour ce qu’elle est : la construction d’un nouveau champion du bloc occidental, un pion utile dans la stratégie d’endiguement américaine en Amérique latine et de prise de contrôle des réserve pétrolière du Venezuela.

Rien pour la paix, tout pour le pouvoir

Il faut d’abord rappeler que María Corina Machado n’a strictement rien accompli pour la paix. Elle est une opposante politique à Nicolás Maduro — ce qui est son droit — mais son objectif est clair : prendre le pouvoir, non pas réconcilier une nation fracturée. Si l’on devait accorder un prix Nobel de la Paix à chaque opposant d’un gouvernement autoritaire ou pas assez démocratique, il faudrait en distribuer des centaines de milliers.

Pire encore, cette distinction pourrait servir de justification morale à la relance d’un vieux rêve américain : le renversement militaire du pouvoir chaviste et la mise au pas du Venezuela. L’ombre de Donald Trump plane derrière cette opération symbolique : l’homme a promis de « rendre le Venezuela libre », comprenez « de le remettre dans l’orbite de Washington ». Ce prix, derrière sa rhétorique humaniste, sent la poudre.

L’ingérence américaine : une vieille histoire

L’histoire des tentatives américaines pour renverser le pouvoir au Venezuela, quoiqu'on pense par ailleurs de ce pouvoir, est longue, méthodique, et documentée.

– En 2002, Washington soutient ouvertement le coup d’État de Pedro Carmona contre Hugo Chávez : l’administration Bush reconnaît immédiatement le nouveau pouvoir putschiste avant même que les chars n’aient quitté les rues de Caracas.

– Dans les années suivantes, la CIA multiplie les opérations de renseignement et de déstabilisation, financées via la National Endowment for Democracy (NED) et l’USAID, canaux officiels du “soft power” américain.

– En 2015, Barack Obama (autre prix Nobel "de la Paix") signe un décret qualifiant le Venezuela de “menace extraordinaire pour la sécurité nationale des États-Unis” — une phrase clé qui permet de déclencher toute la panoplie des sanctions économiques et financières.

– En 2019, sous Trump (Premier), Washington reconnaît Juan Guaidó comme “président intérimaire” du Venezuela, encourage une tentative de soulèvement militaire et soutient le “coup humanitaire” de Cúcuta.

– La même année, le Trésor américain saisit l’or vénézuélien stocké à la Banque d’Angleterre et impose un blocus pétrolier total, asphyxiant le pays.

– Les États-Unis déploie e aujourd’hui une flotte militaire au large du Venezuela, sous prétexte de lutte antidrogue, mais dont la fonction stratégique réelle est de maintenir la pression, voire de mener une invasion.

Blocus, sanctions, sabotage, financement d’opposition, actions clandestines — la panoplie classique de la doctrine Monroe revisitée au XXIe siècle.

Rappelons pourquoi : le Venezuela détient les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, évaluées à environ 303 milliards de barils selon l’OPEP. De quoi comprendre l’obsession américaine pour ce pays.

La fabrication d’une égérie « démocratique »

Pour s’assurer que María Corina Machado soit bien perçue comme la candidate du bloc occidental, le dispositif symbolique est complet. En 2024 déjà, elle recevait le prix Václav Havel du Conseil de l’Europe « pour la défense des droits de l’homme ». Puis, le Parlement européen lui décerne le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, conjointement avec Edmundo González Urrutia, un autre opposant à Maduro et ancien diplomate et dernier candidat à l'élection présidentielle en opposition à Madurao. « Lutte pour la démocratie », « résistance au totalitarisme” — tout le lexique occidental du Bien contre le Mal est mobilisé.

Le décor est planté : María Corina Machado devient l’icône proprette de la « résistance vénézuélienne ». La suite du scénario un « Venezuela libéré » — et privatisé — est écrite d’avance. Le scénario est peut-être même déjà en cours d'écriture pour un blockbuster hollywoodien ou une série phare de Netflix.

Une héritière de l’oligarchie comprador

Mais María Corina Machado n’est pas cette héroïne romantique que les chancelleries occidentales encensent en construisant un réçit. Elle est l’incarnation même de l’oligarchie vénézuélienne. Issue d’une famille immensément riche, héritière d’un empire industriel, elle descend de ceux qui ont longtemps été les relais économiques de Washington au Venezuela.

Sa famille a fondé Electricidad de Caracas et les aciéries Sivensa — deux entreprises étroitement liées au capital américain.

Sivensa, fondée en 1948 par un trio d’investisseurs américains et un membre du clan Machado, était jusqu’à sa nationalisation en 2008 le principal producteur privé d’acier du pays. Quant à Electricidad de Caracas, elle fut vendue à la multinationale américaine AES Corporation, fondée par d’anciens membres de l’administration Nixon et Carter, avant d’être rachetée en 2007 par PDVSA, la compagnie pétrolière d’État, et intégrée à Corpoelec (entreprise nationale vénézuelienne d'électricité).

On peut difficilement faire plus clair : le clan Machado représente la bourgeoisie comprador, celle qui sert de courroie de transmission entre le capital américain et les richesses nationales et qui ont été le relais et les soutiens obéissants des décennies de dictatures pro-américaine en Amérique Latine. Dès lors, on peut légitimement se demander si son engagement politique ne vise pas simplement à récupérer les biens familiaux nationalisés sous Chávez et à restaurer la domination de son groupe dans un Venezuela « libéralisé ».

Une trajectoire sous influence

Formée au Venezuela, mais aussi dès le secondaire aux États-Unis (à Wellesley, Massachusetts), María Corina Machado est un pur produit de la mondialisation oligarchique. Après un passage dans l’entreprise familiale, elle fonde en 2002 le mouvement Súmate, officiellement destiné à “défendre les droits des électeurs”. En réalité, Súmate servira de plateforme civile au coup d’État d’avril 2002 contre Hugo Chávez.

Le 11 avril, Pedro Carmona prend le pouvoir avec le soutien d’une partie des forces armées. Machado est présente au palais présidentiel, signe le « décret Carmona » dissolvant l’Assemblée nationale et suspendant les institutions démocratiques.

La manœuvre échoue après 47 heures — juste avant le délai de 48 heures qui aurait permis à Washington de reconnaître officiellement le nouveau régime, comme à Cuba lors du fiasco de la baie des Cochons.

Autant dire que son engagement « pacifique » commence dans le fracas des chars.

La NED, bras civil de la CIA

En 2004, María Corina Machado revient à des moyens plus « institutionnels » en organisant une pétition pour un référendum révocatoire contre Chávez, recueillant trois millions de signatures. L’opération est financée par la National Endowment for Democracy (NED), un organisme américain créé en 1983 et financé quasi exclusivement par le Congrès.

Officiellement, la NED « soutient la démocratie ». En pratique, elle finance des ONG, des médias et des partis politiques jugés compatibles avec les intérêts de Washington. Héritière des méthodes d’influence jadis conduites par la CIA, elle a soutenu nombre de « changements de régime » et autres « révolution de couleurs » (c'est même dans ses couloirs que ce concept est développé, d'abord pour renverser le régime de Milosevic en Yougoslavie) sous couvert de promotion de la société civile — du Nicaragua à Hong Kong, de la Russie au Venezuela.

En 2005, Machado et plusieurs membres de Súmate sont accusés de trahison pour avoir accepté ces financements étrangers. Peu de temps après, elle est reçue avec tous les honneurs à la Maison-Blanche par George W. Bush. La boucle est bouclée : celle que les médias européens présentent aujourd’hui comme une « démocrate courageuse » avait déjà l’oreille du président américain qui lança la guerre d’Irak.

Deux décennies de militantisme transatlantique

Les vingt années suivantes confirment ce tropisme atlantiste. En 2014, elle représente le Panama devant l’Organisation des États américains. En 2018, elle soutient le conservateur Iván Duque en Colombie, puis Juan Guaidó au Venezuela en 2019 — tous deux étroitement liés à Washington.

Une parfaite globaliste au service des intérêts américains, en réseau constant avec les droites latino-américaines.

En 2023, c’est son heure : elle remporte les primaires de l’opposition à Maduro avec 93,13 % des voix, en vue de l’élection présidentielle de 2024. Elle se présente comme « centriste », mais son programme économique est ultralibéral — privatisations massives, ouverture aux capitaux étrangers, dérégulation du secteur énergétique — autrement dit, le retour du modèle Pinochet sous vernis démocratique.
Et là encore, tout l’enjeu se résume en un mot : pétrole. Le contrôle des 303 milliards de barils vénézuéliens vaut bien quelques discours sur les droits de l’homme.

Répression, interdiction et revanche

En juin 2023, la Contraloría General interdit à Machado d’exercer toute fonction publique jusqu’en 2030, l’accusant de fraude fiscale et de soutien aux sanctions américaines contre son propre pays. Le Tribunal suprême confirme cette décision le 27 janvier 2024.
Machado désigne alors Corina Yoris comme candidate de substitution, mais cette dernière est elle aussi écartée. C’est finalement Edmundo González Urrutia (son colistier du prix Sakharov du parlement européen) qui porte la bannière de la « Plateforme unitaire », avec le soutien de Machado.

L’ombre de l’extrême droite internationale

Petit détail révélateur : María Corina Machado est signataire de la Charte de Madrid, un manifeste lancé en 2020 par le parti espagnol Vox pour fédérer la droite dure et l’extrême droite latino-américaine sous une bannière « anticommuniste ».

Sous couvert de défendre « la liberté et la propriété privée », cette initiative vise à constituer un réseau transnational d’extrême droite, le Forum de Madrid, regroupant les héritiers des dictatures militaires, les anciens barbouzes et les nouveaux relais du néoconservatisme atlantique.

C’est dire à quel point le prix Nobel décerné à Machado dépasse le Venezuela : il symbolise la victoire culturelle et idéologique du bloc occidental, même au prix d’un mensonge historique.

Quand le Nobel devient une arme

Dès lors, une question s’impose : quelle mouche a piqué le comité du prix Nobel (et ceux des prix Václav Havel ou Sakharov) ?

Récompenser une figure d’extrême droite, impliquée dans un coup d’État et inféodée à Washington, est non seulement absurde, mais délégitime ces distinctions.

Madame Machado n’a rien fait pour la paix. Son parcours est infiniment moins légitimes pour ce prix que Donald Trump lui-même — et c’est dire.

À moins que, plus tragiquement, ces institutions européennes ne soient désormais gangrenées par l’atlantisme, incapables de distinguer les intérêts de la démocratie de ceux du Pentagone. Ou alors, le comité Nobel, embarrassé à l’idée de devoir un jour honorer Trump, a préféré une figure de son camp, estampillée « féminine , latino et démocratique », pour donner à la future guerre contre le Venezuela la coloration d’une croisade morale.

On peut penser ce que l’on veut du régime de Maduro, y compris s’y opposer. Mais il faut reconnaître ceci : ce prix Nobel de la Paix est une tache sur l’histoire de la distinction.

Pour la première fois, un Nobel de la Paix pourrait servir à justifier le déclenchement d’une guerre.

Et au cas où les choses ne seraient pas claires, María Corina Machado « dédie ce prix au peuple souffrant du Venezuela et au président Trump pour son soutien déterminé à notre cause ».

Ce Nobel a un parfum orwellien.
La guerre, c’est la paix.

Georges Renard-Kuzmanovic.