jeudi 24 juillet 2025

LES 80 000 PROFITEURS DE LA RÉPUBLIQUE (suite)


Suite de la série sur cette néonoblesse républicaine qui nous coûte près de 100 milliards d’euros/an et qui s’accapare plus d'un 1/10e de ce montant.

EPISODE 2 – Les faiseurs du Consentement

Les « Faiseurs du Consentement » forment un second cercle d’environ 5 000 à 7 000 personnes qui, sans exercer le pouvoir institutionnel, en assurent la légitimation sociale, culturelle et cognitive. Qu’ils soient journalistes subventionnés, artistes labellisés, startuppers publics, universitaires de plateau ou experts climat officiellement accrédités, tous participent à la production d’un récit convenable : celui d’un pouvoir compétent, moral, nécessaire. Leur efficacité repose moins sur l’autorité hiérarchique que sur l’autorité symbolique, la captation de la parole publique et la neutralisation douce de toute critique systémique. Financés à hauteur de 12 milliards d’euros par an via subventions, exonérations fiscales, contrats publics ou rémunérations hors-grille, les faiseurs du Consentement constituent le principal bouclier idéologique de la néonoblesse : ils transforment l’arbitraire en expertise, la rente en progrès, et l’exclusion en inéluctabilité.


ORDRE DES SEIGNEURS & STARS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 
(France Télévisions, Radio France, Arte, INA, France Médias Monde)


Effectifs estimés

Environ 400 personnes, incluant :

– Les PDG et directeurs des grands groupes publics,

– Les directeurs d’antenne,

– Les producteurs vedettes,

– Les présentateurs de prime-time les plus influents.
Fonctions clés

– Fixent chaque jour le récit audiovisuel national,

– Sélectionnent les indignations légitimes, les figures sympathiques ou haïssables,

– Façonnent le ton moral dominant, le sentiment d’urgence, la doxa culturelle,

– Détiennent le monopole de l’info gratuite pour des millions de Français.

Privilèges structurants

– Dotation budgétaire directe : 4,03 milliards €/an (France TV, Radio France, Arte, INA, France Médias Monde),

– Contrats hors-grille, parfois supérieurs à ceux du secteur privé,

– Avantages en nature : loges, studios, billets d’avion, voyages officiels,

– Comité d’entreprise ultra-généreux : aides allant jusqu’à 1 000 €/an/enfant pour les colonies de vacances, offres culturelles à prix subventionnés.

Reproduction sociale

– Diplômés de grandes écoles (Sciences Po, ENA) ou d’écoles de journalisme très sélectives (CFJ, ESJ Lille),

– Recrutement interne verrouillé, difficilement accessible sans réseau,

– Allers-retours fréquents entre cabinets ministériels, agences de communication et postes de direction de l’audiovisuel public,

– Mobilité discrète entre médias publics et institutions politiques (ou européennes).


ORDRE DES BARONS DE LA PRESSE SUBVENTIONNÉE
(grands quotidiens nationaux, hebdos subventionnés, pure-players aidés, groupes de presse régionaux)


Effectifs estimés

Environ 300 personnes en position dominante :

– Directeurs de rédaction,

– Rédacteurs en chef,

– Journalistes « éditorialistes » omniprésents,

– Dirigeants de groupes médias privés massivement subventionnés. 

Fonctions clés

– Hiérarchisent l’information écrite et numérique,

– Délivrent les labels de respectabilité (« extrême droite », « populiste », « légitime », « républicain »…),

– Orientent les cadrages médiatiques : ce qui est un scandale, ce qui est un fait divers, ce qui est tabou,

– Valident ou disqualifient les discours concurrents, même scientifiques ou documentés.

Privilèges structurants

– Aides directes et indirectes à la presse écrite : plus de 1 milliard d’euros/an (aides à la diffusion, au portage, subventions ciblées),

– Carte de presse défiscalisée, réduisant l’impôt sur le revenu,

– Accès privilégié aux élus, aux cabinets, aux voyages officiels,

– Cellules “fact-checking” subventionnées (AFP Factuel, CheckNews, Les Décodeurs…),

– Capitalisation discrète : de nombreux titres appartiennent à des milliardaires proches du pouvoir mais bénéficient quand même de l’argent public.

Reproduction sociale

– Dynasties rédactionnelles : enfants ou neveux de journalistes déjà en poste,

– Nombreux ex-attachés parlementaires ou communicants politiques,

– Fortes connexions avec Sciences Po, l’ESJ Lille, le CFJ,

– Mobilité latérale vers les directions de communication ministérielles, les think tanks et les cabinets privés.


ORDRE DES INGÉNIEURS D’OPINION & SONDOLOGUES
(IFOP, Ipsos, BVA, Harris Interactive, OpinionWay + cellules data des médias)


Effectifs estimés

Environ 250 à 300 personnes en position stratégique :

– Dirigeants d’instituts de sondage,

– Directeurs d’études et analystes de tendance,

– Responsables des cellules data intégrées aux rédactions ou aux cabinets publics.

Fonctions clés

– Produisent en continu le « climat d’opinion » chiffré,

– Modèlent la perception collective en publiant chaque semaine intentions de vote, courbes de confiance, acceptabilité des réformes,

– Orientent la décision politique par effet d’anticipation (« les Français veulent… »),

– Désamorcent ou fabriquent l’urgence en manipulant les priorités perçues.

Privilèges structurants

– Commandes publiques récurrentes (SIG, ANCT, ministères, collectivités),

– Accès systématique aux plateaux télé en période électorale,

– Accords confidentiels avec médias subventionnés,

– Appui sur des études propriétaires rarement rendues publiques,

– Peu ou pas de contrôle scientifique indépendant.

Reproduction sociale

– Diplômes élitistes : grandes écoles statistiques (ENSAE, Sciences Po, École Polytechnique),

– Recrutement coopté via anciens camarades, rédactions ou cabinets,

– Rotation fréquente entre sondage, communication politique et data média,

– Influence croisée entre sondeurs privés et chargés d’études publics, notamment en période électorale.


ORDRE DES MARÉCHAUX DE LA CULTURE
(cinéma, théâtre, festivals, institutions culturelles subventionnées)


Effectifs estimés

Environ 1 200 personnes au cœur de l'appareil culturel public :

– Directeurs d'institutions nationales (Opéra, Comédie-Française, grands musées),

– Programmateurs de festivals majeurs (Avignon, Cannes, Aix, etc.),

– Réalisateurs, auteurs, metteurs en scène subventionnés,

– Membres de commissions sélectives (CNC, DRAC, SACD, etc.).

Fonctions clés

– Décident de ce qui est art "légitime" et de ce qui ne l’est pas,

– Façonnent l’imaginaire collectif par la fiction, le spectacle, les grandes messes médiatico-culturelles,

– Labellisent les productions dignes de l’aide publique,

– Reproduisent une vision du monde alignée sur l’idéologie dominante du pouvoir culturel d’État.

Privilèges structurants

– Accès prioritaire aux aides CNC, DRAC, commandes publiques,

– Statut d’intermittent du spectacle très protecteur,

– Présence en commissions, jurys et instances de sélection : ils décident, s’auto-décernent, se récompensent,

– Crédits d’impôt et taxes affectées : plus de 2,5 milliards €/an consolidés,

– Distinctions et décorations régulières (Ordre des Arts et Lettres, Légion d'honneur, etc.).

Reproduction sociale

– Réseaux issus des grandes écoles artistiques parisiennes (La Fémis, CNSAD, ENSAD),

– Transmission familiale (enfants d’acteurs, d’artistes, d’éditeurs…),

– Cooptation fermée dans les jurys et conseils artistiques,

– Accès facilité aux commandes et résidences publiques via recommandations croisées.


ORDRE DES STARTUPPERS D’ÉTAT & ENTREPRENEURS PUBLICS
(incubateurs publics, programmes FrenchTech, administrations « innovantes » et green-tech)


Effectifs estimés

Environ 1 500 personnes dans des rôles clefs d’innovation publique-privée :

– Chefs de projets numériques d’État,

– Fondateurs de start-ups subventionnées,

– Dirigeants d’incubateurs publics ou parapublics,

– Consultants et "hubs" institutionnels de la transition numérique et écologique.

Fonctions clés

– Vendent la modernisation numérique et la "green-tech" étatique,

– Conçoivent des récits de progrès compatibles avec les intérêts publics et privés,

– Incarner l’image d’un État agile et technophile,

– Captent les financements d’innovation et les dispositifs de transformation administrative.

Privilèges structurants

– Financement massif via Bpifrance, programmes FrenchTech, fonds publics dédiés : environ 1,2 milliard €/an,

– Salaires hors-grille, souvent supérieurs aux plafonds de la fonction publique,

– Stock-options hybrides ou prises de participation semi-publiques,

– Accès préférentiel aux marchés publics, hackathons, appels d’offres fléchés,

– Peu ou pas de contrôle a posteriori de l’efficacité des dispositifs financés.

Reproduction sociale

– Double formation élitiste : écoles d’ingénieurs (X, Centrale, Télécom) + Sciences Po/HEC,

– Passage par des incubateurs publics structurants (Beta.gouv, Intrapreneurs d’État…),

– Portes tournantes très rapides entre secteur public, cabinets ministériels et grands groupes privés,

– Appui sur un réseau "progressiste" internationalisé, très connecté aux cercles de Bruxelles et aux GAFAM.


ORDRE DES PRÊTRES DU SAVOIR OFFICIEL
(professeurs médiatiques, experts gouvernementaux, chercheurs en think tanks para-publics)


Effectifs estimés

Environ 600 personnes en situation d’influence intellectuelle directe :

– Professeurs d’université omniprésents dans les médias,

– Directeurs de think tanks semi-publics (France Stratégie, IEP labellisés, Fondapol, Terra Nova…),

– Rapporteurs attitrés de commissions officielles,

– Chroniqueurs scientifiques et économiques institutionnalisés.

Fonctions clés

– Produisent l’expertise « neutre » et « objective » destinée à légitimer les réformes économiques, sociales, écologiques,

– Valident les arbitrages budgétaires par l’argument savant,

– Interviennent dans les grands débats médiatiques en clôturant les controverses par « ce que dit la science »,

– Fournissent des rapports et notes confidentielles à haute valeur stratégique pour les cabinets ministériels.

Privilèges structurants

– Titres et chaires sécurisés dans des universités fortement dotées ou des établissements d’élite (Sciences Po, ENS, Collège de France…),

– Cachets réguliers pour chroniques dans les médias, plateaux TV et conférences institutionnelles,

– Consulting public (rapports rémunérés, audits, relectures techniques),

– Budget consolidé des expertises publiques : ≈ 800 millions €/an (chaires, think tanks, prestations intellectuelles diverses),

– Visibilité constante sans remise en cause dans les circuits médiatiques dominants.

Reproduction sociale

– Recrutement dans des filières ultra-sélectives : agrégations de sciences économiques, ENS, ENA-INSP, IEP, doctorats de prestige,

– Cumul des casquettes : professeur rapporteur chroniqueur conseiller officieux,

– Réseaux fermés de comités de lecture, jurys de thèse, comités d’évaluation nationaux,

– Mimétisme intellectuel : alignement idéologique souvent nécessaire pour se maintenir dans le cercle consultatif.


ORDRE DES EXPERTS & AUMÔNIERS DE LA TRANSITION
(ONG climat/inclusion agréées, consultants RSE, panels citoyens, think tanks environnementaux) 

Effectifs estimés

Environ 1 000 personnes exerçant un pouvoir d’influence morale et institutionnelle :

– Responsables d’ONG labellisées par l’État ou l’UE (WWF, Fondation Hulot, Oxfam, etc.),

– Consultants spécialisés dans la transition écologique ou l’inclusion sociale,

– Membres permanents des panels citoyens ou instances de concertation,

– Experts en responsabilité sociétale (RSE) intégrés dans les politiques publiques.

Fonctions clés

– Ils jouent le rôle de légitimation morale.

– Ils apportent la caution éthique qui permet au pouvoir de justifier ses réformes, arbitrages et priorités au nom de “l’urgence climatique”, de “l’équité sociale” ou de “l’intérêt supérieur des générations futures”.

– Ils disqualifient la critique systémique au profit de l’alerte ciblée, du correctif cosmétique et du signalement vertueux.

– Leur langage est celui du compromis responsable, du cadre acceptable et de la transition contrôlée.

Privilèges structurants

– Ils bénéficient de subventions croisées de l’État, de l’Union européenne, de fondations privées (Rockefeller, Gates, etc.) et de partenariats publics-privés.

– Ils participent à des conférences internationales (COP, Davos, ONU), avec défraiements intégrés, jetons de présence et visibilité médiatique garantie.

– Leur coût consolidé est estimé à environ 500 millions €/an (programmes État/UE, événements internationaux, contrats publics d’expertise).

– Ils jouissent d’un accès privilégié à la consultation des politiques publiques, sans légitimité élective ni obligation de résultats.

Reproduction sociale

– Le recrutement se fait par master “sustainability”, cursus Sciences Po – école d’ingénieur – droit environnemental.

– Les ONG bénéficient d’un label d’agrément d’État qui verrouille leur accès exclusif aux financements et à la concertation.

– Les personnalités de la transition s’installent durablement dans l’écosystème des fondations, des colloques et des cercles internationaux.

– La circulation entre fondations privées, institutions européennes, ministères et entreprises du CAC 40 crée un espace de connivence idéologique où la critique est admise à condition d’être inoffensive.


ORDRE DES GARDIENS DE LA PAROLE
(autorités de régulation de la communication, de la donnée et de l’expression publique)


Effectifs estimés

Environ 150 personnes, concentrées dans les sommets des institutions de contrôle de la parole publique :

– Membres dirigeants de l’ARCOM (ex-CSA),

– Hauts responsables de la CNIL (aspects modération et données sensibles),

– Présidents et rapporteurs des commissions de déontologie journalistique (CDJM),

– Membres de comités éthiques divers.

Fonctions clés

– Ils délimitent ce qui peut être dit, écrit, diffusé ou promu dans l’espace public français.

– Ils définissent le cadre légal du “discours acceptable”, imposent des sanctions aux médias, plateformes ou individus, et servent de filtre entre la liberté d’expression théorique et la parole effective.

– Ils jouent aussi un rôle discret mais déterminant dans les partenariats entre les institutions et les réseaux sociaux, par la recommandation algorithmique, les retraits de contenu ou la modulation de visibilité.

Privilèges structurants

– Mandats de 5 à 6 ans, souvent renouvelables, sans contre-pouvoir démocratique réel.

– Rémunérations élevées (entre 9 000 et 12 000 € brut/mois pour les présidents), avec avantages de cabinet.

– Immunité symbolique forte : ces institutions se présentent comme “neutres”, “techniques”, “au-dessus des partis”, bien qu’elles soient issues de nominations politiques.

– Budget consolidé estimé à 200 millions €/an, répartis entre l’ARCOM, la CNIL, les instances de labellisation, et divers dispositifs annexes liés à la modération.

Reproduction sociale

– Recrutement majoritairement effectué parmi les anciens cabinets ministériels, hauts fonctionnaires issus de l’ENA/INSP ou membres des grands corps techniques.

– Leur nomination repose sur un jeu de cooptation politique feutré entre exécutif, Parlement et grands groupes audiovisuels.

– Les membres alternent régulièrement entre fonctions réglementaires, postes en cabinets et responsabilités dans les grandes institutions de presse ou de données.



Gabriel de Varenne.