Sabbataï Tsevi : Le Messie des Qlipoth
En 1665, Nathan de Gaza (1643-1680) annonça que l'ère messianique commencerait en 1666 avec la conquête du monde sans effusion de sang, le Messie à venir ramènerait les dix tribus perdues en Terre Sainte. Ce « Messie » était Sabbatai Tsevi.
En vérité, ce n'était pas seulement le peuple juif ; Tsevi voyait l'humanité dans un état déchu. La Chute de l'Homme est comprise comme la séparation d'avec la Source ; cet exil cosmique est crucial pour comprendre la théologie de Tsevi. L'humanité, dans son ensemble, est tombée dans un royaume de fragmentation et d'impureté.
Comme le dit le Zohar : « La Shekhinah pleure en exil, ses larmes formant les fleuves des mondes. Mais elle pleure pour ceux qui s'éveillent à son appel, car c'est par eux que sa beauté sera restaurée. » Ceci est souvent considéré comme une tragédie cosmique, reprise par les gnostiques dans la chute de Sophia (mot grec pour Sagesse), où l'âme est piégée dans la matière et l'âme est capable de revenir (anabase) à travers la Gnose.
Tsevi tentait de racheter l'humanité à lui seul, par le péché.
Tsevi croyait que seul un acte radical et messianique, bouleversant littéralement les conventions, pourrait débloquer le Chemin du Retour. Le Chemin choisi par Tsevi ne remontait pas les Sefirot, de Malkuth à Kether, mais descendait jusqu'au Qlipoth, l'Arbre de la Mort.
La doctrine de la rédemption par le péché de Tsevi fut fortement influencée par Isaac Luria. La Kabbale lurianique s'articulait autour d'une compréhension radicale de cet exil cosmique, du Tikkoun (Restauration du Monde) et du Tzimtzim (Contractions ou Retrait de la Lumière Divine).
La Kabbale lurianique enseigne que les réceptacles de la lumière divine se brisèrent (Shevirat ha-Kelim), dispersant des étincelles de sainteté (nitzotzot) dans les royaumes de l'impureté. La Shekhinah (Présence Divine) elle-même fut exilée, fragmentée, empêtrée dans le monde matériel.
On enseigne que le chemin conventionnel de la piété et de l’ascension n’a pas réussi à restaurer le monde, ainsi, un Messie était nécessaire pour descendre dans l’impureté, briser les règles établies et racheter de FORCE la lumière piégée.
Tsevi a affirmé que c'était son devoir divin d'être ce « Messie ». Mais Tsevi est allé plus loin que quiconque avant lui. Il voyait Sion non pas comme une terre physique, mais comme un ensemble d'étincelles divines attendant d'être libérées. Et c'est seulement en acceptant le péché que la rédemption pouvait être obtenue.
Dans la pensée kabbalistique, les Qlipoth (coquilles) sont des débris spirituels, des « enveloppes » laissées par la lumière divine lorsque celle-ci n'a pas été correctement contenue. Les Qlipoth ne sont pas intrinsèquement « mauvais », mais représentent le chaos, le déséquilibre et un potentiel brut.
Pour Tsevi, les Qlipoth n'étaient pas de simples obstacles ; ils étaient son champ de bataille privilégié. Afin d'extraire les Étincelles (la Lumière Divine) et de racheter Sion, Tsevi descendit au plus profond de la Sitra Achra (l'Autre Côté), où se côtoyaient de nombreuses pratiques radicales, transgressives et antinomiques.
En Alchimie Noire, on croit qu'en embrassant pleinement la descente (Katabase), on peut générer la plus grande ascension. La SEULE VOIE DE SORTIE est DE TRAVERSER.
Les disciples de Tsevi le considéraient comme un archétype prométhéen qui tentait de « voler » le feu aux dieux. Mais au lieu d'élever ses disciples (et l'humanité tout entière), il les enferma plus profondément dans l'EXIL.
Pour Tsevi, sa conversion publique à l'islam était une stratégie divine, et non une trahison. Il s'agissait d'une descente rituelle dans le royaume de « l'Autre ». Son apostasie était une forme de martyre pour ses disciples.
Tsevi épousa une prostituée (bien nommée Sarah), non par amour, mais parce qu'il la considérait comme impure. L'inversion sexuelle, la violation des lois alimentaires et les rituels antinomiques devinrent des sacrements pour ses disciples. Le péché était un moyen de réaliser la réparation cosmique (Tikkun).
En termes kabbalistiques, au lieu de rétablir l'harmonie entre les royaumes d'Atziluth (émanation) et d'Assiyah (action), la méthode de Tsevi a renforcé les barrières mêmes qui bloquent la remontée vers l'Ein Sof (Source).
À bien des égards, le parcours tragique de Sabbataï Tsevi fait écho aux tentatives technocratiques et transhumanistes d’aujourd’hui visant à racheter le monde par l’inversion. Qu'il s'agisse de fusionner l'homme avec l'IA, de manipuler la génétique OU d'adopter des systèmes de contrôle numérique qui promettent la « libération » mais qui offrent VRAIMENT un asservissement plus profond.
Fixez suffisamment longtemps l'Abîme et il vous CONSOMMERA.
Hidden Amuraka.