Extrait de l'interview de 1978 (durée 2 heures)
"Il faut prendre garde à l’idée des « Supérieurs Inconnus ». On la trouve dans toutes les mystiques noires d’Orient et d’Occident. Habitant sous la terre ou venus d’autres planètes, géants pareils à ceux qui dormiraient sous une carapace d’or dans des cryptes tibétaines, ou bien présences informes et terrifiantes telles que les décrivait Lovecraft, ces « Supérieurs Inconnus » évoqués dans les rites païens et lucifériens existent-ils ? Lorsque Machen parle du monde du Mal, « plein de cavernes et d’habitants crépusculaires », c’est à l’autre monde, celui où l’homme prend contact avec les « Supérieurs Inconnus », qu’il se réfère, en disciple de la Golden Dawn. [...]
(...) Samuel Mathers avait fondé la Golden Dawn. Mathers prétendait être en rapport avec ces « Supérieurs Inconnus » et avoir établi les contacts en compagnie de sa femme, la sœur du philosophe Henri Bergson. Voici un passage du manifeste aux « Membres du second ordre » qu’il écrivit en 1896 :
« Au sujet de ces Chefs Secrets, auxquels je me réfère et dont j’ai reçu la sagesse du Second Ordre que je vous ai communiquée, je ne peux rien vous dire. Je ne sais même pas leurs noms terrestres et je ne les ai vus que très rarement dans leur corps physique… Ils me rencontrèrent physiquement aux temps et lieux fixés à l’avance. Pour mon compte, je crois que ce sont des êtres humains vivant sur cette terre, mais qui possèdent des pouvoirs terribles et surhumains… Mes rapports physiques avec eux m’ont montré combien il est difficile à un mortel, si avancé soit-il, de supporter leur présence. Je ne veux pas dire que dans ces rares cas de rencontre avec eux l’effet produit sur moi était celui de la dépression physique intense qui suit la perte du magnétisme. Au contraire, je me sentais en contact avec une force si terrible que je ne puis que la comparer à l’effet ressenti par quelqu’un qui a été près d’un éclair pendant un violent orage, accompagné d’une grande difficulté de respiration… La prostration nerveuse dont j’ai parlé s’accompagnait de sueurs froides et de pertes de sang par le nez, la bouche et parfois les oreilles. » [...]
Dans son étude "Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion", publiée en 1921, le philosophe René Guénon se montre prophète. Il voit monter les périls derrière la théosophie et les groupes initiatiques néopaïens plus ou moins en rapport avec la secte de Mme Blavatsky. Il écrit :
« Les faux messies que nous avons vus jusqu’ici n’ont fait que des prodiges d’une qualité fort inférieure, et les voix qui les ont suivis n’étaient probablement pas bien difficiles à séduire. Mais qui sait ce que nous réserve l’avenir ? Si l’on réfléchit que ces faux messies n’ont jamais été que les instruments plus ou moins inconscients entre les mains de ceux qui les ont suscités, et si l’on se reporte en particulier à la série de tentatives faites successivement par les théosophistes, on est amené à penser que ce ne sont là que des essais, des expériences en quelque sorte, qui se renouvèleront sous des formes diverses jusqu’à ce que la réussite soit obtenue, et qui, en attendant, ont toujours pour résultat de jeter un certain trouble dans les esprits. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que les théosophistes, non plus que les occultistes et les spirites, soient de force à réussir pleinement par eux-mêmes une telle entreprise. Mais n’y aurait-il pas, derrière tous ces mouvements, quelque chose d’autrement redoutable, que leurs chefs ne connaissent peut-être pas, et dont ils ne sont pourtant à leur tour que les simples instruments ? »
C’est aussi l’époque où un extraordinaire personnage, Rudolph Steiner, développe en Suisse une société de recherches qui repose sur l’idée que l’univers tout entier est contenu dans l’esprit humain et que cet esprit est capable d’une activité sans commune mesure avec ce que nous en dit la psychologie officielle. De fait, certaines découvertes steinériennes, en biologie (les engrais qui ne détruisent pas le sol), en médecine (utilisation des métaux modifiant le métabolisme) et surtout en pédagogie (de nombreuses écoles steinériennes fonctionnent aujourd’hui en Europe) ont notablement enrichi l’humanité. Rudolph Steiner pensait qu’il y a une forme noire et une forme blanche de la recherche « magique ». Il estimait que le théosophisme et les diverses sociétés néo-païennes venaient du grand monde souterrain du Mal et annonçaient un âge démoniaque. Il se hâtait d’établir, au sein de son propre enseignement, une doctrine morale engageant les « initiés » à n’user que de forces bénéfiques. Il voulait créer une société de bienveillants." (Bergier et Pauwels)
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Dans Vol 714 pour Sidney Hergé introduit le personnage de Mik Ezdanitoff. Sous une apparence anodine (il porte un banal complet deux-pièces gris avec un tricot col V mauve et une cravate club) ce personnage est pourtant un « initié », « expert en extraterrestres ». Tintin connaît de réputation ce personnage, chroniqueur dans la revue Comète, mais aussi télépathe et agent de liaison avec les extraterrestres.
Si Hergé a choisi d’évoquer la silhouette, le visage, les grosses lunettes et l’accent typiquement slave de Jacques Bergier, c’est parce qu’il a eu l’occasion de le rencontrer personnellement lors du tournage du film les Oranges Bleues en 1964. Ce dernier était le conseiller scientifique de la production.