Sur le messianisme que partagent Israël et les Etats-Unis, extrait du livre de Youssef Hindi : "La guerre des États-Unis contre l'Europe" :
S’étant définie au XIXe siècle comme le Nouveau Monde, nouvelle terre Sainte non corrompue, l’Amérique percevait le reste de la planète, notamment l’Europe, comme le lieu de la corruption dont il fallait se tenir à l’écart. L’interventionnisme étasunien a donc logiquement impliqué une opposition entre le Bien (l’Amérique) et le monde dominé par le Mal qu’il fallait sauver. De la séparation entre les deux, l’Amérique bascule vers la confrontation entre le Bien et le Mal.
Dans la continuité de cette conception terre du Bien/peuple élu, émerge au milieu du XXe siècle la doctrine de l’« Exceptionnalisme américain », promu notamment par l’influent sociologue Talcott Parsons (1902-1979). Le président Ronald Reagan (1981-1989) sera influencé quant à lui par l’écrivain évangélique millénariste et chrétien sioniste Harold Lee Lindsey (né en 1929). Son livre théopolitique, "L’agonie de notre vieille planète" (The Late Great Planet Earth, 1971, tiré à quatre millions d’exemplaires) est le livre de chevet du président Reagan.
Lindsay écrit ainsi dans son livre : « L’événement essentiel que beaucoup de lecteurs de la Bible du passé ont omis de considérer est ce signe prophétique capital : Israël doit de nouveau former une nation dans le pays de ses ancêtres. La nation d’Israël, un rêve depuis tant d’années, devient réalité le 14 mai 1948 lorsque David Ben Gourion lut la déclaration d’Indépendance qui annonçait la fondation d’une nation juive sous le nom d’Israël.»
Il y a là un parallèle implicite entre la déclaration d’indépendance des Etats-Unis (4 juillet 1776) et celle d’Israël, la nation messianique jumelle des États-Unis.
Interprétant la prophétie d’Ezéchiel et celle de Joël sur la puissance du Nord qui doit attaquer Israël à la fin des temps, Harold Lindsey, comme d’ailleurs plusieurs rabbins, en déduit qu’il s’agit de la Russie :
« Gog du pays de Rosch, de Méschec et de Tubal, renvoie à la puissance qui se situe aux extrémités du septentrion. Vous n’avez qu’à consulter un globe terrestre pour vérifier l’exactitude de cette inclination géographique. Il n’y a qu’une nation qui se trouve aux extrémités du septentrion, vue d’Israël : c’est l’URSS. »
James Watt, secrétaire à l’environnement sous Ronald Reagan déclarait qu’il était inutile de se préoccuper d’écologie puisque le Christ allait bientôt revenir sur terre. « De même la représentation d’un Saddam Hussein sous les traits de l’Antéchrist, au moment de la première guerre du golf n’est pas étrangère à la permanence d’un imaginaire millénariste dans la politique de l’Amérique au Moyen-Orient. De façon plus générale la présence du religieux au sein du politique s’avère de plus en plus déterminante.» (Pascal Bouvier, "Millénarisme, messianisme, fondamentalisme : permanence d’un imaginaire politique", L’Harmattan, 2008, p. 82)
En 2003, alors que les États-Unis de George W. Bush s’apprêtent à bombarder l’Irak sous l’influence du lobby pro-israélien, le président américain tentait de convaincre le président français Jacques Chirac en arguant qu’il s’agissait de la guerre de Gog et Magog.
Youssef Hindi a rassemblé là ce qui lui permet d'établir le récit d'une guerre permanente, vitale, économique, celle qui oppose les États-Unis à l'Europe.
Cette guerre a une histoire, mais elle a aussi une généalogie, et pour la reconstituer, il faut remonter à Athènes et à son hégémonie maritime.
Dans un second temps, l’auteur déplace le point de vue. Nous quittons la strate matérialiste de ce conflit pour nous déplacer vers le terrain de la « théologie politique ». Il nous faut nous demander le rapport qu'entretiennent l'élection divine et la « Destinée manifeste » des États-Unis.
L’auteur poursuit sa réflexion en analysant la fin de l’État de droit, conséquence de la guerre que nous mène l’Amérique.