"(...) le monde peut être une épreuve bénéfique et même un « moyen habile » : « upâya » servant l’ascèse."
Par-delà la souffrance
Les désinformations-confusions, les mensonges, les inversions accusatoires, les dystopies et dissonances cognitives, nourrissent la peur et la lâcheté dans l’esprit de troupeau. Ces armes, toujours utilisées par les ingénieries politiques, sociales et religieuses, sont les leviers de ces pouvoirs manipulateurs tant politiques que religieux non-éclairés et corrompus de leurs élites qui règnent, dominent le corps social et le maintiennent dans l’ignorance.
La solitude et le silence sont des luxes réservés à ceux qui sont sortis de la peur dans l’esprit de troupeau par le courage de réfléchir, et qui peuvent alors et seulement connaître et comprendre par abandon de toute ignorance cet adage métaphysique :
"Beata solitudo, sola beatitudo : Béatifique solitude, seule béatitude".
Il est donc quasi impossible à la grande majorité transformée en bétail humain assoiffé d’illusion, de discerner entre le vrai du faux pour Voir les choses telles qu’elles sont. En ce moment même, l’humanité est confrontée à un choc de civilisations, un affrontement qui s’affiche de jour en jour : d’une part une Russie qui cherche à maintenir ce qui lui reste encore de « Traditionnel et d’humain » sous tous les aspects, et on le comprend, de l’autre les USA et l’Europe qui lui est asservie avec ses aboiements pitoyables par ses petits « chiens de garde ».
La racine sanskrite « BUDH » signifie « éveil ». En Russe : Buddhilnik = réveil matin. Le Bouddha est « l’éveillé » et un de ses autres qualificatifs est « Muni » : « le silencieux », des Shâkya : Shâkyamuni qui connaissait par intuition métaphysique les fruits d’éveil irréversibles qui résultent aussi de la « Solitude » au cours d’une ascèse équilibrée et assidue. Seul « l’homme à l’intuition métaphysique fermement établie » est l’homme éveillé qui peut accéder alors à la « béatitude » ou « félicité », ce 5ième corps du Yoga : Ânandamayakâya.
Toute complaisance dans la servitude volontaire est-t-elle devenue une habitude toxique dans laquelle l’humain se vautre par avidité jamais satisfaite ?
Depuis la naissance, les conditionnements innés et acquis sont « tels » que la capacité à réfléchir, à investiguer, sans croyances délirantes, sans opinons délurées, sans préjugés absurdes, est devenue bien rare. A la croisée des deux chemins, l’habituel chemin au quotidien conduit à la mort stupide par ignorance, l’autre chemin « non-habituel » conduit vers l’abandon par la Libération des mirages et des illusions. Ne « rien faire » n’est pas du tout « faire rien ».
Ce qu’il faut d’emblée comprendre est qu’il est possible de vivre dans le monde tout en étant totalement « retiré du monde » des illusions, des mirages déterminés subconsciemment et qui entretiennent, tels des souteneurs de trottoirs déguisés en pervers-narcissiques, phantasmes, avidités, haines, stupidité. La souffrance est bien le fruit de l’ignorance.
Le « monos » est l’existence sortie des systèmes, « -ismes ». Ne cherchez plus de « métaphysique » en Occident, même au Collège de France. Il n’y en a plus. Seul l’Orient en garde encore la possibilité … La fin du kali Yuga sonne le glas d’un temporel. Le monde moderne et ses quantités monstrueuses signent sa fin inéluctable qui arrive au pas de course dans ce « grand parc à jouets » dans lequel les humains esclaves d’eux-mêmes et asservis aux autres, jouent avec leurs sens, s’y complaisent, se chamaillent, se battent, se déchirent, se torturent, pour obtenir les objets stupides de leurs désirs vains et illusoires. Le texte qui suit est de notre instructeur du Dharma.
Nirodha.
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Le moi
Le bouddhisme, qui est par excellence la doctrine du non-moi (anâtmaniya), nie toute réalité au moi empirique. Le monde moderne en général, et les sociétés occidentales en particulier, évoluent de plus en plus vers un véritable culte du moi et ce que certains ont déjà appelé une « civilisation du narcissisme ».
La mort
Le bouddhisme ne se lasse pas d’insister sur l’impermanence, l’évanescence des phénomènes et accorde par conséquent une grande importance à la « contemplatio mortis » qui est réservée aux ascètes éclairés ; la société moderne escamote la mort, en fait quelque chose dont il est malséant de parler, car pour elle rien n’est pire que la mort.
La liberté
Le bouddhisme qui pose un total déterminisme à bien comprendre et affirme que « l’homme ordinaire » (prthagjana) est entièrement lié, se présente non comme un idéal de liberté, mais comme une voie menant à la délivrance ou Libération, ce qui n’est pas du tout la même chose ; et en toute rigueur, un bouddhiste éclairé devrait s’interdire des phrases comme « je suis libre de faire ceci ou cela » ; le monde moderne fait de la liberté une valeur absolue, sans se rendre compte qu’un être esclave de lui-même mais voulant « tout et tout de suite » ne peut être qu’oppresseur et criminel : cas extrême : la « philosophie » du marquis de Sade et ses lointains épigones qui font l’apologie aveugle du « désir », en habituant les individus à mendier des apparences de liberté, (à l’état, à un parti, un syndicat, une secte, une croyance, une religion) au lieu de conquérir eux-mêmes la véritable liberté par la Libération.
Le silence
La sphère mentale authentique du bouddhisme est un « monde du silence », du recueillement, de la concentration, de la solitude active et consentie, de l’introspection. Le monde moderne est un univers d’agités, de bruit et de fureur, d’individus extravertis qui cherchent tous les subterfuges possibles pour échapper à un sentiment profond de dépendance et d’angoisse ; c’est un monde qui bannit toute « vie intérieure » authentique.
Nous décrirons certaines expressions du « culte du moi » qui font de notre société un univers narcissique difficilement perméable aux vérités bouddhiques.
Le narcissisme contemporain n’est évidemment que la conséquence logique, lointaine mais inévitable, de l’idée même qui est à la racine de la mentalité moderne : « l’individualisme », c’est-à-dire la négation de tout principe supra-individuel ou, pour reprendre une terminologie qui nous est plus familière, la négation ou la perte du troisième mode constitutif de l’homme, « le mode d’articulation métaphysique », seul capable d’accompagner et « d’adombrer » le mode physiologique et le mode psychologique. Et « l’individualisme moderne », bien loin d’être l’opposé de l’uniformisation des comportements, de la massification, de la dictature du collectif, en est au contraire la condition nécessaire et suffisante. Car c’est précisément quand le culte du moi a tout envahi, quand la société, de « communauté organique » qu’elle était (constituée d’individus adhérant tous, implicitement ou explicitement, à un même ensemble de valeurs transcendant l’existence de chacun) devient une « collectivité éclatée » qui n’est plus, effectivement, que la « somme absurde des individus qui la composent ».
Le mythe raconte que Narcisse, si beau que les filles et garçons étaient amoureux de lui, refusa la passion de la nymphe Echo, qui finit par dépérir, et qu’il fut puni de sa cruauté par Némésis, la déesse de la vengeance. Celle-ci le condamna à la contemplation de sa propre image. Plus Narcisse se regardait, plus il était amoureux de lui-même. Toujours penché sur l’eau pour admirer son reflet, il se consuma et mourut.
Y a–t-il allégorie plus parlante que celle-ci pour décrire la condition où commence à s’enfermer l’Occidental moyen ?
Nous vivons à l’heure des « foules solitaires », nous sommes dans un univers étrange où l’on est isolé ensemble. De l’automobile à la télévision, le processus technologique, en même temps qu’il fait communiquer apparemment, isole réellement : on est seul au volant de sa voiture, mais entouré par tous les autres dans les « bouchons » interminables, avec des voisins partout dans l’immeuble, mais seul devant le récepteur de télévision qui diffuse le monologue incessant du système. Exemple typique du narcissisme d’aujourd’hui, qu’il vaudrait mieux peut-être qualifier de « nombrilisme » : la mode foudroyante du « walkman » jusqu’au téléphone portable sans cesse de la main à l’oreille, comptera plus dans l’histoire que de soi-disant « grands événements » politiques. La période du repli général sur soi-même, de l’hédonisme médiocre, de l’idéal sénile du petit bonheur égoïste et frileux, de la philosophie pour gringalets efféminés et midinettes LGBT, s’instaurent sous nos yeux, en ce moment même.
Entouré de ses jeux électroniques, le casque d’écoute individuel collé à la tête, la tablette à portée de la main, l’occidental devient enfermé dans un univers complètement artificiel et faussement protecteur d’images et d’objets, lesquels ne lui renvoient désormais que les signes de sa propre aliénation. Consommateur toujours passif des stéréotypes à la mode, il croit qu’il vit « une époque formidable » qui a « inventé le bonheur », il se croit même libre et a des « droits » à ne plus savoir qu’en faire. Il ne comprend pas que si nous sommes dans une société où l’on peut, en effet, faire pratiquement tout, c’est parce que tout ce que l’on y dit ou fait ne sert à rien. Fondamentalement, nous sommes dans un univers immobile, perdu dans l’autocontemplation (opposée à la véritable voie contemplative). La succession rapide des modes éphémères, les découvertes incessantes, la poussière des non-événements, les semblants de révolte immédiatement récupérés, en somme la micro-instabilité dans le détail masque mal la macro-stabilité de l’ensemble. Beaucoup d’agitation en surface ; mais, tout au fond, le grand silence de cette « mort tiède » qui, selon Konrad Lorenz, guetterait aujourd’hui l’espèce humaine.
L’occidental moyen s‘imagine être libre. Mais la liberté ne se réduit pas au sentiment qu’on en a. L’esclave et le robot peuvent très bien se croire libres. Il suffit pour cela qu’ils aient perdu toute possibilité de se représenter ce que pourrait être véritablement leur liberté.
C’est l’âge du « bonheur programmé » par une société qui assure aux gens les moyens matériels d’existence, mais qui leur vole en même temps toute raison de vivre. La suppression de la liberté ne résultera pas de la répression physique, « mais d’une sécurité imposée », comme l’avait vu si prophétiquement George Orwell en écrivant son livre 1984, et Big Brother nous attend avec un grand sourire. N’est-ce pas ce que nous voyons ?
Le nombrilisme, l’avènement du moi comme la valeur absolue, se manifestent aussi de multiples simulacres de « libération ». Le moi s’étale et occupe le devant de la scène : les modes « psy » parce qu’il faut « assumer son vécu », les obsessions sexuelles platement énoncées dans le discours public, la frénésie des « expériences personnelles », la famille devenue avant tout un petit noyau de consommation, le mimétisme vis-à-vis des vedettes des différents écrans et du showbiz faussement incantatoire en sont autant de signes révélateurs.
La « permissivité », dont l’Occident s’est fait un drapeau, loin de libérer, isole et accentue l’angoisse. Privé du cadre éducatif et des institutions « héritées des ancêtres », l’individu ne sait plus comment se comporter. Il s’en remet alors aux injonctions passagères que lui distillent les médias, la publicité, les « manuels » d’éducation sexuelle et les charlatans du sanitaire. Les conseils intéressés des magazines et de la télévision se substituent à l’expérience intériorisée de la tradition familiale ou communautaire. Nous sommes dans un monde qui aime tellement l’ersatz, qui préfère tellement l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, que les gens en sont réduits à demander à des livres comment il faut faire l’amour ou élever des enfants. Aucune liberté authentique n’est à l’œuvre ici, et le cas des pays scandinaves, qui furent à la pointe du « progrès », en reste la preuve : à la morale puritaine des pasteurs protestants a succédé une autre morale, permissive celle-là ; dans un cas : « il ne faut pas jouir », dans l’autre : » il faut jouir ». Dans les deux cas : « une totale absence de liberté », car dès qu’on dit « il faut » ou « tu dois », c’est que la liberté est déjà au tombeau. Les choses sont donc des « problèmes » : pour le pasteur protestant, un problème à éviter, pour les émancipés, un problème à résoudre. Mais jamais quelque chose de sain, de normal, qu’il faut accepter avec aussi peu de « surimpositions » que possible.
Ce n’est pas par hasard si la « culture du nombrilisme » se développe essentiellement parmi les jeunes. Car si la jeunesse peut être l’âge de la générosité, du désintéressement, du don de soi, elle est aussi – surtout aujourd’hui – l’âge de l’infatuation, de la prétention imbécile, des « opinions » à n’en plus finir. Il n’est que trop facile de se croire immortel quand on a le visage agréable à regarder, sur lequel les ans n’ont pas encore imprimé leur marque. Mais, en réalité, on ne voue aujourd’hui à la jeunesse un véritable culte que parce que les valeurs qui lui sont propres – le goût du risque, l’aventure, le courage, la disponibilité – ont été enterrées, après avoir été jugées « anachroniques ». Les marchands du temple flattent d’autant plus la jeunesse qu’ils sont en train d’en faire un immense marché de consommateurs précocement séniles. De nos jours, en se repliant égoïstement avec tous ses gadgets sur sa petite sphère psychique, on prend mentalement sa retraite à vingt ans.
Dans les temps traditionnels, l’homme, même analphabète, avait des savoirs, notamment pour tout ce qui touchait aux cycles naturels. A notre époque, grâce « aux méfaits immenses de l’instruction obligatoire » – idée chimérique qui amène à penser que tous les hommes sont aptes à recevoir le même enseignement et que les mêmes méthodes sont valables pour tous indistinctement –, chaque année qui passe apporte son contingent d’individus gorgés « d’opinions » sur tout et sur rien. Comme pour confirmer ce que disait julien Benda dans « la trahison des clercs » : « un imbécile n’est jamais aussi parfait que lorsqu’il est un peu cultivé », tandis qu’un autre français avait pu écrire, à peu près à la même période : « Le drame de notre époque, c’est que la bêtise se soit mise à penser ».
Le premier devoir d’un chercheur qui chemine sur une Voie de Libération, c’est évidemment la lucidité. Lucidité sur lui-même, bien sûr, mais aussi lucidité sur ce qui l’entoure. Tant qu’on nourrit encore certaines illusions, tant qu’on prend les vessies pour des lanternes, les Vues Justes ne peuvent éclore.
En faisant cette analyse, nous n’avons pas voulu peindre le diable sur les murs, pour en conclure ensuite trop aisément au côté « satanique » du monde moderne, ni non plus voulu peindre en rose les sociétés traditionnelles et de les voir d’un regard naïf, admiratif et béat. Il s’agit beaucoup mieux de constater la loi implacable de la causalité et de la comprendre.
« Il n’y a pas de civilisation qui soit supérieure aux autres sous tous les aspects, parce qu’il n’est pas possible à l’homme d’appliquer également, et à la fois, son activité dans toutes les directions, et parce qu’il y a des développements qui apparaissent comme véritablement incompatibles » écrira René Guénon à la page 9 de son livre « Orient et Occident ».
Il est notable que pour une écrasante majorité des humains, le monde actuel ne présente pas des conditions favorables au cheminement sur une voie de Libération, MAIS …
1 - … Pour les âmes fortes, pour ceux qui sont capables de rester « droits dans ce qui est courbe », de se tenir fermement « au-delà du supporté, au-delà du non-supporté », le monde peut être une épreuve bénéfique et même un « moyen habile » : « upâya » servant l’ascèse.
2 – Pour ceux qui sont las des grands mots qu’on écrit en majuscule, des idéaux, des croyances, pour ceux qui ont connu un genre particulier de déception, notre époque de dissolution des formes peut aider à se pénétrer chaque jour un peu plus des vérités enseignées par le Bouddha, vérités qui ont parfois l’apparence de truismes mais que nous ne voyons pas précisément parce qu’elles nous crèvent les yeux.
C’est pourquoi, la voie de celui « qui peut ne faire fond sur rien » se passe volontiers d’un ordre traditionnel extérieur. Au contraire, elle puise sa force dans le dénuement, voire même dans l’adversité apparente d’un monde en dissolution. La désagrégation formelle générale l’oblige, salutairement, à « se concentrer sur l’essentiel ».